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470 GAZETTE DES BEAUX-ARTS contemplation assidue des écoles glorieuses, on les voit peindre la vie moderne selon le mode des maîtres anciens, convoiter les magni¬ ficences du coloris vénitien, le prestige des harmonies opulentes ou graves, et c’est de la pénombre que surgissent leurs visions, à moins qu’elles ne s’enfoncent (chez M. Rouault) dans les ténèbres opaques d’une nuit trop profonde. —AvecM. Charles Guérin, issu du même atelier, il s’agit encore de fêtes galantes, mais tout autres, moins vues que rêvées, moins réelles qu’imaginaires, et dont l’invention avoisine plutôt Verlaine que Watteau tant s’y pressent les sou¬ venirs du second Empire : ce sont, parmi les pâles clartés d’un jour élyséen, des assemblées en riants atours, coquetant sous les ramures du parc séculaire; c’est la surprise des rencontres au détour des avenues, le langoureux nonchaloir à l’ombre des char¬ milles, la rêverie sur le bord des terrasses devant l’horizon lointain, puis, après l’allégresse des sérénades, les longs épanchements Dans l’allée où verdit la mousse des vieux bancs. 111 Comme Gustave Moreau, M. Eugène Carrière a tenu un atelier et ouvertement professé. Toutefois le bienfait de ses enseignements dépasse le cercle de ceux qui vinrent quérir les leçons de son expé¬ rience et de son savoir; il compte pour élèves les auditeurs de ses conférences, les lecteurs de ses travaux, tous les amis de sa pensée. Ce qu’il souhaite, c’est, selon le mot d’Edmond et Jules de Gon¬ court, dessiller la vue, élever à l’intelligence du monde, de la vie, de la beauté ; et, de lui-même, son œuvre s’offre en exemple — œuvre jailli de l’observation journalière, œuvre de miséricorde et d’amour où le philosophe et le moraliste répudie les séductions et les éclats de la couleur pour atteindre à une gravité plus recueillie, pour entourer de plus de calme et de silence révoca¬ tion de l’idée et du sentiment. Sous le voile de la brume légère, son art sedégage des contingences, s’indétermine dans l’espaceet le temps. Tel tableau qui assemble les portraits d’un père et de sa fille, devien¬ dra, par le sens de l’arabesque et la répartition de la lumière, un durable symbole de mutuel attachement. Dans la maison commune, les parois s’illustreront d’épisodes caractéristiques qui résument la vie de l’humanité, et la continuité de la révolution du cycle se