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476 GAZETTE DES BEAUX-ARTS rapprochés, et pendant plusieurs années c’est sous les vieux chênes du plateau de la Mare aux Fées ou dans son jardin que je rencon¬ trais Charnay. Je savais que la plupart de ses peintures sont en Amérique, où, dès ses premières expositions, elles ont été acca¬ parées par les marchands et les amateurs ; mais j’espérais bien en trouver quelques-unes encore dans son atelier. Quand j’y pénétrai, il semblait depuis longtemps abandonné. Rien sur les chevalets; aux murailles, à peine quelques toiles de ses débuts, et çà et là, épars sur les tables et les meubles, des amas de livres, de photo¬ graphies ou de papiers, couverts d’une poussière que le maître du logis ne veut pas qu’on dérange. Il m’a fallu mériter sa confiance pour qu’un beau jour il se décidât à m’ouvrir certain bahut où se trouve rangée la collection complète de scs études, car malgré les nombreuses sollicitations dont il a été l’objet, il n’a jamais consenti à en vendre une seule. Depuis lors, je les ai vues et souvent revues, ces précieuses études et, à chaque fois, elles me paraissaient tou¬ jours plus originales, et si exquises que peu à peu le désir croissant de les faire un peu connaître au public me venait à l’esprit. Mais j’avais compté sans mon hôte, et je dois avouer que si j’ai persisté dans mon intention, les encouragements ne me sont pas venus de lui. Ce n’est que par bribes, avec des détours diplomatiques, que j’ai pu recueillir les indications qui m’étaient nécessaires pour cette courte étude. Encore sont-elles restées, sur plus d’un point, vagues et incomplètes, bien que j’y aie de mon mieux suppléé par les ren¬ seignements que m’ont fournis d’anciens et fidèles camarades de ce singulier artiste. Quant à lui, autant que j’en puis juger par les objections et les rebuffades qu’il ne m’a pas épargnées, je ne suis pas bien sûr qu’il me pardonnera les indiscrétions par lesquelles je trahis sa confiance et les appréciations, trop élogieuses à son gré, auxquelles il aurait voulu se soustraire. Mais comme Charnay ne peint plus guère ; que depuis longtemps il se tient à l’écart des Salons ; qu’il n’attend et ne désire aucune faveur; qu’il n’a en vue ni une exposition, ni une vente de ses oeuvres, je suis certain, du moins, que c’est un sentiment tout spontané d’admiration pour son talent et d’entière estime pour son caractère qui, en dépit de ses objurga¬ tions réitérées, m’a mis la plume à la main. Armand Charnay est né le 6 janvier 1844, à Charlieu, une petite ville du département de la Loire, située non loin de Roanne. Fils d’un notaire très respecté dans la région, et qui naturellement le destinait à lui succéder, il devait sur ce point tromper toutes les