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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/564

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ARMAND CHARNAY 489 à qui y touche ! Les carriers et les bûcherons sont ses ennemis, et il n’est pas tendre pour l’administration des Forêts, qui a’eu souvent maille à partir avec lui. Que de mémoires indignés il a déjà adressés à ses agents, à la presse, pour obtenir raison des « vandalismes » dont la vieille forêt a pu être l’objet! Pour qu’on la respecte, il s’agite plus, à lui seul et depuis plus longtemps, que la Société pour la protection des paysages. Récemment encore, au lieu des renseignements que je lui demandais sur lui-même et sur ses œuvres, il m’envoyait une lettre remplie de cris de protestation à propos d’un chemin de fer projeté à travers la forêt. Comme les antipathies de Charnay, ses amitiés sont violentes; les unes et les autres s’exaltent dans la solitude où il vit. Très expansif et très affectueux, il se livre, sans compter, à qui lui plaît; mais, très indépendant aussi, ses critiques sont acérées, impi¬ toyables pour ceux qui froissent ses sentiments intimes. Sous peine d’en venir à des vivacités extrêmes, il y a des sujets qu’il vaut mieux s’interdire avec lui. Sur combien d’autres, en revanche, il y a plaisir et profit à ses entretiens! 11 aime passionnément son art et connaît bien les maîtres anciens, pour les avoir beaucoup pratiqués, et avoir copié quelques-uns des meilleurs. Avec quelles admirations judicieuses et quel tour d’esprit très personnel il sait parler d’eux! Très affiné dans ses goûts, il rend justice à ceux de ses contemporains qui ont du talent, même s’ils sont vivants, mais surtout, quand à côté de leur talent, il estime leur caractère. Dans sa retraite, d’ailleurs, il vit entouré de belles choses, des esquisses d’amis, des gravures, des livres, des bronzes de Barye, et il se tient au courant de tout. Je crois que depuis longtemps il n’est pas entré dans un habit et Paris ne le voit plus guère; mais je sais qu’il liF beaucoup, avec discernement et avec fruit. Que de fois il m’a si¬ gnalé des pages charmantes et des vers aussi délicieux que peu connus ! Pourquoi faut-il que la peinture ne soit plus qu’en de si courts moments l’occupation naturelle d’une activité restée si vivace, alors que Charnay, dans sa pleine maturité, possédait toutes les ressources de son art, un art si français, à la fois élégant et poétique, vivifié sans cesse par sa féconde imagination!. EMILE MICHEL XXXII. — 3e PÉIUODE.