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512 GAZETTE DES BEAUX-ARTS dans tous leurs détails ces admirables monuments, où les coins les plus cachés recèlent, aussi bien que les parties les plus en vue, des merveilles de statuaire et de décoration. Et alors nous assistons au développement harmonieux de cet art gothique qui, « parti des sévères et rigoureuses données de l’art roman, comme l’art grec d’un Phidias échappé aux doctrines de l’école d’Égine, parcourt, en cent trente ans environ, un cycle merveilleux..., possède immédiatement, sans efforts, la souplesse, la vérité, la grâce, la noblesse, sans perdre la plus ado¬ rable des naïvetés 1 », devient entre les mains des sculpteurs bourguignons du xvc siècle le puissant et réaliste traducteur de la vie, se montre non moins ve'ri- dique, mais avec plus de charme et de bonhomie, sous le ciseau des artistes champenois du xvie siècle, s’affine également en Touraine avec Michel Colombe, s’efforce vers une variété d’expressions de plus en plus grande, un métier de plus en plus habile, mais pour tomber bientôt dans la virtuosité et, au souflle des influences venues du dehors, perdre peu à peu ses qualités natives et tout caractère autochtone. Toutcela(et encore bien d’autres enseignements de détail, tel celui qui résulte du groupe de monuments italiens des xnc et xniû siècles que MM. Vitry et Brière ont eu l’heureuse idée de montrer en une planche instructive, à la suite des monuments français dont ils sont logiquement issus), tout cela se déroule aux yeux, s’impose clairement à l’esprit, rien qu’à parcourir cette suite méthodique d’images. Les quelques indications essentielles qui les accompagnent sont d’ail¬ leurs complétées par une table plus détaillée, où sont donnés tous les renseigne¬ ments historiques et chronologiques utiles à la parfaite intelligence des œuvres, et puisés aux sources les plus sures. Ainsi se trouve pleinement réalisé — ils peuvent en être certains et en éprouver quelque fierté — le vœu modestement exprimé par les auteurs à la fin de leur avant-propos : celui d’avoir fait œuvre utile en présentant, classé et commenté de cette façon, un pareil ensemble de documents, qu’on rencontre¬ rait difficilement réunis ailleurs — et, il n’est pas superflu de l’ajouter, à de telles conditions. Chacun trouvera à puiser dans ce précieux trésor : les histo¬ riens, à qui tant de pièces de comparaison, dont beaucoup inédites, fourniront matière à d’intéressantes observations et peut-être à de fructueuses découvertes; les amateurs; les artistes, enfin, pour qui ce riche répertoire de formes pourra être une source d’inspiralions heureuses et, espérons-le, plus qu’un instrument de travail : une leçon de forte et salutaire discipline. A. M. 1. Courajod, Leçons professées à VÉcole du Louvre. II : Origines de la Renaissance, p. 3 {Paris, Picard, 190i, in-8°).