Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/67

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS C’est surtout dans les régions intermédiaires, aux frontières flot¬ tantes, telles que l'Artois, le Ilainaut, le Brabant, la Champagne, les Afdennes dans le Nord, cl le Lyonnais, la Bresse, le Dauphiné, la Provence dans le Midi, que cette indépendance éclate et s'agite. De là combien sortent, combien s'exportent d'œuvres mixtes et incertaines, difficiles à dater et classer, qui déroutent les experts el les pédants, mais qui ravissent par l'ingénuité même et le charme de leurs gaucheries expressives et de leurs poétiques ignorances les artistes sensibles et les vrais amateurs, tous ceux qui cherchent, dans la peinture, sans parti pris, sans intérêt ou vanité personnelle, les saines joies de l'œil et les nobles exaltations de l'esprit! S’il vint, à cette époque, de nos provinces du Nord bon nombre d'artistes à Paris, à Bourges, à Dijon, pour y apporter des ferments nouveaux ou s'y transformer dans un autre milieu, beaucoup d'au¬ tres, assurément, y restèrent chez eux et s'y développèrent dans un isolement relatif. Nous ne sommes pas en mesure de bien distin¬ guer ce qui se passait à Arras, Amiens, Douai, Tournai, Lille, mais il s'y passait des choses intéressantes. Rogier de la Pasture (van der Weyden), le grand maître de Tournai, avec son tempérament franc et hardi, son goût si français pour la mise en scène familière ou pathétique, avec moins d'intensité sans doute et d'autorité que Jean van Eyck, mais plus de variété et d'invention, multiplie et répand aussi bien chez nous qu’en Belgique et en Allemagne des exemples d'un naturalisme plus animé, dont chacun profite rapidement. A côté de van der Weyden, quel rôle joue donc son contemporain, ce maître, encore si mystérieux, dit « de Mérode » ou « de Flémalle »? Est-ce aussi un homme de Tournai? Est-ce bien Jacques Daret, comme paraît l'établir M. Hulinl? Toujours est-il qu’un assez grand nombre d'œuvres portent, en ce moment, dans la disposition des ligures, dans les types des visages, dans certains accents particu¬ liers d’un réalisme audacieux, parfois émouvant, souvent agressif et désagréable, une marque d’origine spéciale assez facile à recon¬ naître. Est-ce à dire qu'il faille, comme on le fait trop volontiers par une vaniteuse horreur de collectionneurs, critiques ou mar¬ chands pour l’anonymat de la beauté, attribuer à un seul maître tout ce qui porte cette marque? Nous ne le croyons pas. C'est déjà bien et beau d’y trouver les produits certains, soit d'un même atelier, soit d'ateliers divers travaillant sous une même influence. 1.\tBruges, 4902. Exposition de tableaux flamands des xivn, xve et xvie siècles, Catologuc critique, par Georges H. de Loo. Gand, A. SifTer, 1902, p. xxxv-xlyii.