Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/71

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66 GAZETTE DES BEAUX-ARTS plus de liberté dans leur présentation. Deux pièces capitales, le Buisson ardent et Y Annonciation, n’ont pu, cependant, y trouver place; mais elles triomphent, dans le voisinage, sur les cimaises. Malgré l’absence de ces chefs-d’œuvre, l’ensemble des tableaux avi- gnonnais, languedociens, provençaux, présente une unité remar¬ quable et des caractères bien frappants. Il y eut de bonne heure, cela est clair, dans la région un fonds vivant de traditions techniques et de modèles exemplaires où se forma sans effort la génération novatrice du xvR siècle. On y constate aussi, autant et même plus qu’ailleurs, une fermentation constante d’éléments internationaux d’où jaillissent, par des assimilations rapides, en des mixtures chan¬ geantes, des œuvres très particulières, et qu’on ne saurait confondre avec les produits plus uniformes d’écoles mieux définies. L’histoire et les documents viennent ici confirmer la justesse de nos impressions. Quel fut le centre de cette activité? Avignon. Or, cette ville singulière, une des plus pittoresques du monde, siège luxueux et festoyant de la Papauté depuis 1304 jusqu’en 1378, de¬ meurée ensuite jusqu’au xvme siècle possession pontificale, neutra¬ lisée et pacifique, refuge des bannis, des rêveurs, des lettrés, était depuis longtemps une oasis pour les artistes. Dès son inslallation, Çlément V y avait appelé le plus grand peintre de l’Italie, Giotto. Le Florentin n’y vint peut-être pas, mais, quelques années après, son seul rival, le grand Siennois Simone di Martino, s’y installait jus¬ qu’à sa mort (1344). Autour de l’ami de Pétrarque et après lui une quantité d’artistes italiens, mêlés à des peintres locaux, travaillèrent à Avignon. L’église des Doms, les chapelles et la grande salle du Palais des Papes, la chapelle de la Chartreuse à Villeneuve, conservent encore d’admirables vestiges de leurs talents; les nombreux palais, églises, couvents d’Avignon, de Carpenlras et des villes et campagnes avoisinantes contenaient, en outre, bien d’autres peintures, fixes ou mobiles, où les peintres du Comtat trouvèrent sur place des ensei¬ gnements et des encouragements, lorsque, de tous côtés, par l’évolu¬ tion de l’humanisme grandissant, se détermina aussi dans les arts l’évolution correspondante du naturalisme. A cette action des traditions directes sur l’imagination vive et chaude des peintres indigènes se joignent, assez vite, les influences extérieures venant de la Bourgogne, de l’Ile-de-France, des Flandres, de l’Allemagne, autant que de Florence et de Rome. C’est qu’Avi- gnon, ville ecclésiastique et de diplomates, était, par ce fait même, une grande manufacture cosmopolite d’imagerie, surtout d’imagerie