Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/79

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L’EXPOSITION DES PRIMITIFS FRANÇAIS\t73 Ce qui est certain, ce qui est charmant, c’est que toutes les pein¬ tures provisoirement attribuées à Nicolas Froment, sortant de son entourage, sinon toujours de son atelier, sont toutes, comme les siennes, non seulement d’une technique attentive et progressive, mais délicieusement et puissamment agrandies et animées par ces fonds de paysages exacts, de plus en plus clairs et vivants. Lui- même, pourtant, ne semble pas, du premier coup, s’être arraché à la vieille tradition. Dans le triptyque de Florence (1461) la scène centrale se profile encore sur une tenture génoise. Les deux volets seulement (Marthe aux pieds du Christ, Madeleine chez le Pharisien) donnent vue, l’un sur une ville fortifiée de France, près d’une rivière qui serpente, l’autre, par une fenêtre de réfectoire, sur les plates-bandes d’un jardin seigneurial, perspectives fraîches et ver¬ doyantes dont Fouquet, après les Limbourg et les van Eyck, égayait depuis longtemps toutes ses miniatures. Dans le Buisson ardent (1476) la nature extérieure (fleurs, feuillages, animaux, panoramas de plaines, montagnes, châteaux et villes) devient résolument le décor harmonique où les acteurs jouent une scène à la fois plus vraisemblable et plus poétique, se précisent et s’idéalisent dans la lumière. Lumière encore un peu froide, hésitante, incertaine, car le pinceau de Froment gardait encore, dans ses Ions jaunâtres, çà et là quelque reste de ses premières duretés et sécheresses, si cho¬ quantes aux Uffizi. Ce peintre sludieux mania-t-il, quelques années après, la matière lumineuse avec plus d’aisance et d’éclat? Ce n’est point impossible, car à ce moment, partout, nous l’avons déjà remarqué, les peintres marchent au pas accéléré, vers l’idéal pour¬ suivi, dans le métier comme dans la pensée. Leurs transformations sont parfois si extraordinaires, qu’il faut voir et toucher des preuves écrites pour en être assuré. A plus forle raison en fut-il ainsi chez nos compatriotes, d’une sensibilité si naïve, d’une curiosité si ou¬ verte ! . Donc, autour de Froment, avant et après lui, en ce chaud Midi, on adore le soleil. Matin et soir, enivrés par ses caresses, tendres ou violentes, tous s’agenouillent devant sa gloire. Il n’est pas jusqu’à cette légende macabre, la résurrection de Lazare, toujours présente aux imaginations provençales, avec son exhibition obligatoire d’un cadavre empesté et d’assistants dégoûtés et se bouchant le nez, qui ne prenne plus de grandeur, presque du charme, dans cet ensoleil¬ lement d’abord dédaigné par Froment. Ce sujet se présente ici deux fois, avec quatorze figures dansle tableau du docteur Rcboul, à Lyon, XXXII. — 3° PÉRIODE.\t10