Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/80

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7 i GAZETTE J)ES BEAUX-ARTS avec quinze, dans celui (reproduit en tête de cet article) de M. Richard von Kauffmann, de Berlin. Tous deux sont admirablement éclairés, avec des fonds de campagnes et de forteresses. Lepremier, plus inégal, dJun artiste tâtonnant, qui hésite entre les types amollis des traditions anciennes, et les types alourdis du réalisme nouveau, olfre un mélange singulier d'éléments septentrionaux et méridionaux. Le second, par un maître plus savant et plus résolu, se présente avec une meilleure tenue, pour les figures comme pour le paysage. Le Christ, en longue tu¬ nique violacée, ferait songer aux Pays-Bas, si les types, si délicats et tendres, de Marthe et de Marie agenouillées, si ceux aussi de la reli¬ gieuse debout près du donateur en prières, et de ce donateur même, ne criaient bien haut leur race et leur pays. LTinité de sentiment avec lequel tous les personnages, dans leur curiosité et leur surprise fer¬ ventes, sans gestes affectés, sans grimaces de terreur ou de dégoût, très simplement, très pieusement, prennent part à l’action, est en¬ core une attestation d’origine française. Le saint Pierre, chauve et édenté, ressemble au saint Pierre de Froment ; c’est un type courant et banal qui se retrouve, il est vrai, de tous côtés, dans la région, mais qui peut confirmer le passage ou le séjour de l’artiste à Avignon. Néanmoins, cet artiste, à mon sens, n’est point un Àvignonnais de tempérament, d’imagination, de souvenirs ; c’est un homme, d’ail¬ leurs, d’une région plus centrale, fort au courant de bien des choses, un artiste supérieur, qui n’est pas Froment, mais qui vaut peut-être Froment et déjà nous rapproche, par certains côtés, de deux maîtres très différents, les auteurs inconnus, à Paris, du tableau de Saint-Ger- main-des-Prés et du tableau du Palais de Justice. Où la main de Froment se retrouve, je crois, sans conteste, avec une grandeur plus libre et plus mâle que dans le saint Nicolas, pro¬ tecteur de Jeanne de Laval, au volet du Buisson ardent, c’est dans le superbe Saint Siffrein du Grand Séminaire d’Avignon, d’une si majestueuse allure avec sa dalmatique grisâtre aux larges orfrois his¬ toriés et dorés, et qui semble une reprise perfectionnée du même type. Mais, depuis le Buisson, quels progrès éclatants! Où cette as¬ cension s’est-elle arrêtée ? En présence d’un développement si rapide, serait-ce une hypothèse trop hardie d’attribuer à Froment une autre pièce capitale de l’école, Y Annonciation de l’église Sainte-Madeleine à Aix1? Ce n’est pas que j’y veuille reconnaître YAnnonciade payée trois écus, le 5 octobre 1478, à maître Nicolas Froment par le roi 4. Gravée tome précédent, p. 4GG.