Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 31 - 1904.djvu/9

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6 GAZETTE DES BEAUX-ARTS demeurera un morceau précieux. La mode pourra varier; de pro¬ fondes et souvent étranges modifications pourront se produire, d’une époque à l’autre, dans ce que l’on est convenu d’appeler le « bon goût » ; mais l’intérêt historique et documentaire, s’il repose sur des données solides, restera au-dessus de ces fluctuations. Il ne cessera pas de donner du prix à ce que l’on doit appeler, comme je le disais un peu plus haut, de véritables conquêtes, conquêtes opérées sans bruit, sans dépense d’argent, grâce à la perspicacité et à la patience des érudits. C’est d’une de ces conquêtes que va bénéficier désormais le Musée Condé à Chantilly. Et cette conquête est d’autant plus importante qu’elle concerne l’œuvre d’un de nos vieux peintres nationaux, d’un des maîtres que l’exposition des Primitifs français a le plus contri¬ bué à rendre familier au grand public, Enguerrand Charonton, l’au¬ teur depuis longtemps reconnu du Triomphe de la Vierge, apparte¬ nant à l’hospice de Villeneuve-lès-Avignon. Les lecteurs de la Gazette des Beaux-Arts connaissent tous le cha¬ leureux appel qu’adressait il y a un mois aux amateurs et aux con¬ servateurs de musées notre ami M. Henri Bouchot, relativement à Un tableau capital de l’école française à retrouver L lis ont admiré avec quelle ingéniosité M. Bouchot, mis par M. Auguste Raflet en pré¬ sence d’une lithographie exécutée en 1823 par un nommé G. Benès, avait songé à appliquer à la composition reproduite sur cette litho¬ graphie un des textes publiés depuis 1889 par le très savant abbé Requin. La conclusion de M. Bouchot, établie sur les arguments les plus frappants, était qu’il fallait reconnaître, dans la lithographie de Renés, la reproduction d’un tableau placé jadis dans une cha¬ pelle de l’église des Célestins à Avignon. Un document établis¬ sait que ce tableau, représentant une Vierge de Miséricorde debout entre deux époux e'n prière, Jean Cadard et sa femme Jeanne des Moulins, avait été commandé, le 16 février 1452, à Enguerrand Cha* ronton et à Pierre Villate, tous deux peintres fixés à Avignon, pour le compte du fils de Jean Cadard et de Jeanne des Moulins, Pierre Cadard, baron du Thor. M. Bouchot faisait ressortir, ajuste titrer l’extrême intérêt pour l’art français de retrouver un pareil monu¬ ment, se présentant avec une attribution et une date aussi précises. Il s1 agissait de découvrir l’original. En 1823 le tableau apparte- 1. Voir la Gazette des Beaux-Arts, du 1er juin dernier, p. 441.