Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 32 - 1904.djvu/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec ceux du diptyque de Melun ou du livre d’Heures, on y constatera les progrès faits, après lui, par son entourage même, l’exactitude plastique.

On ne saurait vraiment juger de la science que put apporter Fouquet, à la fin de sa vie, dans l’exécution de ses grands retables ou des compositions monumentales, comme celles de Notre-Dame la Riche, par les deux seuls couples de grandes figures, fragments du diptyque de Melun, peint vers 1450, au retour d’Italie. Tout au plus devons-nous chercher dans ces peintures une idée de ce que pouvait être, à la Minerve de Rome, le fameux Portrait d’Eugène IV avec deux dignitaires, si fort admiré, de son temps, par Fila Florio, et, au xvie siècle encore, par Vasari. Ces deux panneaux dans leurs aventures, ont malheureusement souffert, plus encore par les nettoyages que par les restaurations. Néanmoins, si l’un est trop terni, si l’autre s’est trop lissé, tous deux n’en restent pas moins les preuves les plus sures du grand talent de Fouquet à cette époque. L’artiste vient de vivre avec des fresquistes italiens surtout des fresquistes florentins ; il s’efforce de rivaliser avec eux. Dans ces figures à mi-corps, de grandeur naturelle, il cherche comme eux, l’union du style large et puissant dans les formes et l’extrême précision dans le caractère. La Vierge avec l’Enfant (musée d’Anvers), l’Étienne Chevalier et son saint patron (musée de Berlin), à distance, offrent l’aspect clair et rythmé, l’harmonie blanchâtre, délicate, argentée, si chers à Fra Angelico, Andrea Castagno, Paolo Uccello, Domenico Veneziano, Piero della Francesca. Le Tourangeau est aussi exact qu’eux, aussi intense et pénetrant, mais il ajoute à cette noble analyse physionomique une amabilité avenante, une sorte de sourire latent, très personnels et français.

Madone ou saint, Enfant Jésus ou trésorier royal, toutes ces figures sont des portraits. Comme images réelles, elles ont toutes les saveurs, comme images idéales toutes les infériorités d’études faites sur le vif. Il ne semble pas qu’à ce moment Fouquet, essentiellement portraitiste, voulant s’élever au rang de peintre d’histoire, eût encore acquis assez de liberté dans l’imagination pour transfigurer, dans certains cas, ses modèles, comme il sut le faire plus tard dans quelques Vierges, saints ou héros de ses miniatures. Ni la Vierge d’Anvers, Agnès Sorel (suivant une tradition confirmée par les comparaisons iconographiques), couronnée d’or, de perles, avec sa robe en fourreau, très serrée à la taille, et