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Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 32 - 1904.djvu/169

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milieu un lien évident. On est moins porté à supposer pour les sculpteurs que pour les peintres de ces déplacements qui transplantent subitement d’un pays dans un autre une manière et un style. On sent qu’il a fallu pour l’établissement d’un atelier de sculpture une collaboration plus complète des forces vives du pays où il s’est installé, surtout lorsque l’on aperçoit, à côté des œuvres essentielles, des séries de morceaux secondaires, très typiques, qui affirment la constitution locale d’une école, d’un style, où s’exprime le tempérament non d’un individu plus ou moins génial, mais d’une foule de gens de métier, obscurs collaborateurs de l’œuvre collective, en laquelle se fondent les tempéraments divers.

Il est intéressant, pour toutes ces raisons, lorsque l’on cherche à établir le caractère réel d’une œuvre ou d’une série d’œuvres peintes, de pouvoir s’appuyer sur la comparaison des œuvres sculptées au même moment et dans le même pays, et il n’était pas indifférent, en la circonstance, de présenter, à l’appui de certaines revendications, le témoignage de quelques pièces de sculpture très authentiquement françaises, de rappeler aussi par quelques exemples caractérisés certains mouvements d’art qui sont identiques dans l’un et l’autre domaine.

Ne convenait-il pas tout d’abord de faire sentir à tous par quelques documents probants que, malgré le terme convenu de « Primitifs », ces artistes du milieu du xive siècle siècle dont les œuvres formaient pour ainsi dire la tête de colonne de l’Exposition étaient loin d’être des débutants, balbutiant et tâtonnant au hasard, qu’ils avaient au contraire derrière eux un amas de traditions et de chefs-d’œuvre ? Sans remonter jusqu’aux véritables Primitifs du xiie siècle qui créèrent laborieusement la tradition iconographique et plastique sur laquelle vécut presque tout l’art du moyen âge, n’était-il pas bon de représenter, par quelques fragments contemporains de ce Psautier de saint Louis exposé à la Bibliothèque Nationale, la haute expression d’art atteinte par nos imagiers de la seconde moitié du xiiie siècle ?

En l’absence des grandioses statues heureusement restées en place aux portails de nos cathédrales, deux têtes, sorties très probablement des ateliers de Reims et accidentellement détachées de leur emplacement originel, figuraient à l’Exposition : l’une appartenant à M. Pol Neveux, recueillie à Reims même depuis plus de quatre-vingts ans[1], passe pour provenir du tympan du portail de Saint--

  1. Catalogue, no 239. — La tradition prétend qu’elle aurait été ramassée au pied du portail Nord par son premier possesseur, quand on aurait, lors du