Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 32 - 1904.djvu/247

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Elle est montrée s’appuyant, expirante, sur un bûcher, le sein percé du poignard qu’elle tient à la main, les regards tournés vers le ciel, découvrant dans toute leur largeur des yeux réputés des plus beaux. La gravure qu’en a exécutée Lépicié laisse deviner une œuvre bien moins vigoureuse et vivante que les toiles de Goypel et de Largillière, dont le burin nous a également transmis des interprétations ; les chairs mêmes en paraissent assez minces et froides. Le peintre, comme dans son portrait du marquis de Mirabeau au musée du Louvre, semble s’être défié de son tempérament et avoir sacrifié ses habituelles énergies au souci de la distinction.

Bien plus agréable et plus vivante fut la peinture où, dans la suite, il représenta la comédienne en son intimité. Peut-être celle-ci, peu satisfaite de son effigie officielle, s’était-elle rendu compte des dispositions du peintre pour un genre plus familier. Le souvenir de cette toile[1] nous est parvenu dans une gravure d’Étienne Fessard. Catherine de Seyne y apparaît dans un gracieux négligé, accoudée à sa fenêtre sur un coussin de velours où se blottit entre ses mains le petit chien de rigueur. Son visage est revenu au naturel. Quelque chose même y pointe de cette malice et de cet entêtement dont l’avocat Barbier nous relate un exemple, à propos d'une certaine querelle de coulisses qui fit beaucoup de bruit en 1730. L’irascible actrice fut obligée de déguerpir au plus vite à l’étranger pour éviter l’internement à la Salpêtrière. Il faut voir comment, à ce sujet, dans une lettre publique reproduite à titre de curiosité par le chroniqueur à la fin de son journal, elle s’en prend à tous les corps d’État, dit son fait à la noblesse en la personne de Messieurs les premiers gentilshommes de la Chambre qui avaient droit de discipline sur les comédiens du Roi, à une partie du clergé qu’elle mêle, je ne sais pourquoi, à cette grave affaire, à tous ses camarades, en persiflant d’assez amusante façon les avantages de leur profession, qui amène à leurs pieds, dit-elle, les trois ordres de France « sans compter ce que l’étranger leur envoie de plus délié », et finalement à son amant en titre lui-même, le marquis de Nesle, père de la future Mme  de Châteauroux, « la fleur des héros du royaume », lequel, à n’en pas douter, n’avait montré qu’une faible énergie à prendre sa défense…

    partie du cabinet d’amateur de l’artiste ; une Cornélie est en effet décrite dans la même attitude au catalogue de vente de sa collection ; elle est attribuée à Santerre, mais c’est vraisemblablement par erreur.

  1. Sans doute celle qui fut envoyée au Salon de 1748 sous la dénomination d’Une dame à son balcon et y remporta un assez vif succès.