véritablement l’effet d’un tableau de quelque vieux maître. Par la manière dont cette tête, éclairée de quelques tons chauds, se détache sur le fond sombre de la toile avec une rare délicatesse psychologique, il rappelle Goya. Admirable aussi la manière toute simple dont la draperie grise se marie avec le teint rose de la figure. Comme les mains sont traitées de façon presque secondaire, tout le problème psychologique réside dans le visage ; il doit être considéré comme parfaitement résolu. La femme du même artiste, Alice Trübner, a également exposé une importante nature morte, dont le seul défaut est de rappeler un peu trop un Manet de valeur moyenne et dont la couleur, par conséquent, paraît un peu neutre. Je ne puis ni partager, ni même comprendre l’admiration subite et générale pour Oberländer. En dehors du petit sujet de genre : Dans la cage du lion, où en tous cas des effets très remarquables sont obtenus par les tons jaune mordoré de la tête du lion sur un fond rouge brun, et par la couleur sombre du petit chien, il n’y a cependant rien là qui ne soit du simple « kitsch ». La même chose peut se dire de MM. Edmund Edel, Block, Heilemann, Erich Hancke et Robert Breyer. L’intention est des plus louables, mais l’exécution ne s’élève pas au-dessus d’une copie plus ou moins superficielle de Liebermann.
Le grand artiste de la Sécession, Ludwig von Hofmann, dont il est difficile d’exagérer l’importance comme peintre, n a également exposé aucune toile nouvelle qui soit de grande valeur. Cependant un ancien tableau de lui — il date déjà de douze ans, — Au carrefour[1], illumine la salle par la merveilleuse splendeur de ses couleurs. Il est vrai qu’au point de vue du dessin il prête à la critique. Mais l’essentiel de la peinture, le magnifique morceau de nu féminin, demeure, même aux yeux des plus sévères, sans reproche. Et le tout est enveloppé d’une atmosphère si ardente que nous en sentons la chaleur dans nos propres veines. Nous partageons les sentiments du jeune homme représenté « au carrefour », et nous comprenons son hésitation. On reconnaît de plus en plus en Allemagne quel artiste nous possédons en ce peintre. Mais cela est loin de suffire. Les deux autres tableaux exposés par lui ne sont, à vrai dire, que des études sans signification profonde, et d’ailleurs, le nombre de ses chefs-d’œuvre complets demeure restreint.
La Gare, par Hans Baluschek, est une œuvre d’un art mouvementé et rappelle la facture minutieuse des peintres hollandais que l’on admire à si juste titre. En dehors de son importance comme grande composition, ce tableau n’a guère de valeur artistique.
Marietta, par Max Slevogt, qui passe pour le « clou » de l’exposition de cette année ne peut cependant pas se comparer avec les Andrades du même peintre. Que le tableau soit peint avec une admirable virtuosité, cela va sans dire. Malgré cette exécution technique extraordinaire, l’œuvre nous laisse un peu froids. Il nous semble que le peintre ayant résolu de main de maître le problème de l’expression vivante dans Andrades, n’y a pas tout à fait réussi en ce qui regarde la célèbre danseuse. Ce tableau est cependant une œuvre très importante. Quelques figures de spectateurs extraordinairement vivantes au fond sont ce qu’il y a de meilleur dans la composition.
Jacob Alberts expose deux paysages très réussis comme couleur. Ils sont
- ↑ V. reprod. dans la Gazette des Beaux-Arts, 1895, t. I, p. 67.