Page:Gazette des Beaux-Arts, vol 32 - 1904.djvu/371

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

encore par le fait qu’elles portent toutes les trois une tunique. Aussi bien, parmi les anciens peintres néerlandais, Gérard David se distingue-t-il par l’habitude soit de vêtir l’Enfant comme c’est le cas pour le nôtre, soit, du moins, de couvrir largement sa nudité. Bien plus, l’arrangement de la tunique de l’Enfant de Lille est, pour l’entre-bâillement sur la poitrine, le même qu’à Rouen et à Bruges et, pour le retroussement sur une jambe, le même qu’à Rouen. Quant au chapelet autour du cou, nous le retrouvons dans le Mariage mystique de la National Gallery.

L’habillement de la Vierge prête également à des observations utiles à notre tentative d’identification. D’une manière générale il rappelle celui qu’aimaient les anciens de l’école néerlandaise. L’échancrure des robes en carré, l’ajustement du manteau sur les épaules, le fermail à chaînette, la bordure au bas de la jupe, la passementerie du manteau sont des particularités aussi exceptionnelles chez Memlinc que fréquentes chez les van Eyck, les Cristus, les Bouts et normales chez David. Celui-ci, d’ailleurs, fidèle au goût des fondateurs de l’école pour le luxe des accessoires, aimait et prodiguait les étoffes hautes en couleur et les orfèvreries étincelantes. Aussi ne s’étonnera-t-on pas que notre Vierge porte deux bagues, l’une à l’index, l’autre à l’annulaire : à Rouen et à Londres, Vierge et Saintes ne sont-elles pas constellées de joyaux ?

Enfin, l’étude de la draperie ne laisse pas de contribuer à notre enquête : elle relève, en effet, dans la texture des étoffes cette fermeté, dans leur coupe cette ampleur, dans leur arrangement ce parti pris de chiffonner qui caractérisent l’art de David et le différencient nettement de celui de Memlinc, amateur de tissus plus souples et d’ordonnances plus simples. Même on relève dans le détail du drapé des dispositions qui se répètent avec une fidélité singulière dans les tableaux de Londres et de Rouen.

C’est également l’allure froissée d’une robe très fournie qui constitue un des traits distinctifs de l’originalité des anges : c’en est un autre, et non moins révélateur, que la grandeur des ailes, les ondulations de leur moignon et le rabattement de leur extrémité ; étrangers au style de Memlinc, ils sont l’un et l’autre familiers à celui de David qui, par exemple, en a marqué de façon frappante les trois anges qu’on voit dans le Saint Michel combattant les démons au musée de Vienne.

Notons encore que la mode à laquelle sont vêtus les deux spectateurs les classe dans la génération à laquelle appartiennent Cor-