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histoire du mouvement janséniste

ne mette aux pieds de Votre Sainteté, et je suis prêt d’approuver ou de condamner, d’assurer ou de révoquer tout ce que ses oracles célestes déclareront digne d’approbation ou de condamnation ». D’aucuns ont trouvé même que l’auteur de l’Augustinus se rabaissait trop, et ils l’ont accusé d’ultramontanisme ; on voit du moins qu’il avait, si l’on peut s’exprimer ainsi, la passion de l’orthodoxie[1]. En lui rien de ce qui fait les hérétiques, c’est-à-dire la prétention d’innover et de soutenir obstinément des erreurs. Tout au plus pouvait-on l’accuser de n’avoir pas compris saint Augustin, et d’avoir attribué au grand évêque d’Hippone des opinions que l’on prouverait n’avoir pas été les siennes. On pouvait le combattre, le réfuter, et alors on s’exposait à attaquer du même coup le docteur de la grâce, dont la théologie régnait en souveraine depuis douze siècles avec l’approbation constante des papes et des conciles : le condamner au nom de l’orthodoxie était chose absolument impossible.

Ce n’est pas tout encore, car l’Augustinus fut approuvé spontanément dès son apparition par cinquante docteurs, séculiers ou réguliers, auxquels se joignirent bientôt six docteurs de Sorbonne. Le saint évêque de Marseille, Jean-Baptiste Gault, se proposait d’y joindre la sienne quand il mourut prématurément en 1643. Tous ces approbateurs reconnaissaient dans le livre de Jansénius la vraie, la pure doctrine de saint Augustin, et il ne leur venait pas en la pensée que l’auteur de cette compilation savante, de cette table analytique des traités augustiniens sur la grâce pût avoir eu la


  1. Détail curieux, Jansénius est un des promoteurs de la dévotion à saint Joseph, confident du Très-Haut, et par conséquent patron désigné des théologiens. À Port-Royal aussi saint Joseph était l’objet d’un culte particulier.