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chapitre xii

nourriture. Il lui donna pour supérieur un de ses anciens grands vicaires de Châlons, Louis Simon Roynette, homme très doux et très sage, qui ne fit malheureusement que passer, car il mourut en 1700. Il se concerta surtout avec Racine, le plus dévoué sans comparaison de tous les amis de Port-Royal. On sait aujourd’hui qu’Esther et Athalie sont au fond des plaidoyers, et quand on est prévenu, les allusions sautent aux yeux. À qui donc pensait le poète quand il disait dans Athalie (iii, 8) :

Hélas dans une cour où l’on n’a d’autres lois
Que la force et la violence….
Ma sœur, pour la triste innocence
Qui voudrait élever sa voix ?

et dans Athalie encore :

Hélas ils ont des rois égaré le plus sage ?

On sait aussi que si Athalie n’a pas été représentée, ce fut pour cette unique raison, car les représentations théâtrales n’ont jamais cessé à Saint-Cyr du vivant de Mme de Maintenon. Racine seul en était banni. Le poète agissait avec prudence, mais avec fermeté, et il ne cachait pas ses sentiments aussi les ennemis de Port-Royal finirent-ils, en 1698, par le dénoncer au roi comme janséniste, c’est-à dire suivant son expression, comme « un homme de cabale et un homme rebelle à l’Église[1]. » Il ne fut jamais complètement disgracié, mais on le considéra comme suspect, et ne pouvant détromper le roi, il s’efforça d’éclairer l’archevêque. C’est en effet pour Noailles qu’il a composé son His-

  1. « On me dit de tous les jansénistes qu’ils sont gens de bien, mais pour moi je ne crois pas qu’un janséniste puisse être un homme de bien », paroles de Louis XIV rapportées dans La relation de délibérations de la Faculté de Paris, 1714, p. 139.