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chapitre xiv

éclaircissements et des rectifications qui pussent rendre la Bulle inoffensive et par conséquent acceptable. C’était à leurs yeux le seul moyen de pacifier l’Église de France. Si Clément XI refusait, les trente-deux proposaient de réunir un concile national qui jugerait en dernier ressort. Le Régent fit droit à leur requête ; il écrivit au pape une lettre que Louis XIV n’aurait pas signée, et il envoya à Rome deux ecclésiastiques pour appuyer sa demande. Mais Clément XI ne voulut rien entendre ; il se disait infaillible et il croyait avoir écrit la Bulle sous la dictée de l’Esprit Saint ; il répondit donc par un refus catégorique et par des menaces ; il était, disait-il, résolu à se porter aux dernières extrémités. À ce coup, les velléités d’indépendance du Régent tombèrent, et il n’eut plus qu’un désir, transiger et négocier un accommodement, car il ne voulait à aucun prix se brouiller avec le pape. C’est qu’en effet le duc d’Orléans, qui n’était pas un croyant, subordonnait la religion à la politique. Il était imbu de cette idée que la royauté ne meurt jamais, et que par conséquent les rois sont condamnés à suivre les errements de leurs prédécesseurs ; ils sont solidaires les uns des autres. Louis XIV ne s’était affranchi de cette règle qu’une seule fois, lors de la Révocation de l’Édit de Nantes, et cette exception unique ne tirait pas à conséquence. Il avait promis au pape de faire recevoir la Bulle Unigenitus, et le pape insistait pour que cette promesse fût tenue à la rigueur ; Philippe d’Orléans se voyait donc dans la nécessité de satisfaire Clément XI et par conséquent d’amener à composition, si la chose n’était pas absolument impossible, les prélats récalcitrants. Il négocia donc : il assembla au Palais-Royal plusieurs évêques et on leur demanda de nouvelles explications de la Bulle,