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chapitre xv

fut d’autant plus considérable que le curé qui avait consacré l’hostie et qui portait l’ostensoir, messire Jean-Baptiste Goy (1666-1738), était un appelant de la Bulle Unigenitus, c’est-à-dire, aux yeux des Jésuites, un janséniste avéré et un hérétique notoire. Si l’on en croyait l’auteur du Siècle de Louis XIV, « le Saint Sacrement guérit en vain la femme Lafosse, au bout de trois mois, et en la rendant aveugle ». C’est un des innombrables mensonges de Voltaire, un des plus audacieux et des plus cyniques, car la femme Lafosse vivait encore en 1751 lorsque parut le Siècle de Louis XIV ; elle était en parfaite santé, et si elle ne savait pas un mot d’orthographe, son écriture n’était pas celle d’une aveugle, comme j’en puis juger d’après ses lettres autographes. Voltaire en 1725 avait vu de ses yeux la femme Lafosse ; il avait cru à la soudaineté de sa guérison, il avait offert à l’ébéniste une somme d’argent, qui fut généreusement refusée, et son témoignage fut invoqué en termes transparents dans le mandement imprimé du cardinal de Noailles. Enfin « la femme au miracle » était venue en personne l’inviter au Te Deum de Notre-Dame, chanté le 25 août. La correspondance de Voltaire avec la présidente de Bernières[1] prouve avec la dernière évidence qu’il a menti effrontément vingt-cinq ans plus tard. Quant à Mme Lafosse, sa guérison fut considérée comme une preuve de la présence réelle, et la paroisse Sainte-Marguerite l’a commémorée durant plus d’un siècle ; elle mourut obscurément le 3 juin 1760.

Deux ans après la guérison de Mme Lafosse, au mois de mai 1727, moururent à quelques jours d’intervalle

  1. Lettre du 20 août 1725. — Édit. Moland, tome XXXIII, p. 144.