Page:Gazier - Histoire générale du mouvement janséniste, depuis ses origines jusqu’à nos jours, tome 2.djvu/298

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c’est-à-dire les catholiques orthodoxes animés du véritable esprit de Port-Royal, n’ont point de visée très hautes. Ils savent que l’hérésie dont on leur fait un crime n’a jamais existé que dans l’imagination malade de leurs persécuteurs, que c’est bien un fantôme puisque jamais aucun de ces prétendus hérétiques, ni l’ultramontain Jansénius, ni l’abbé de Saint-Cyran, ni Arnauld, ni Pascal, ni Quesnel, ni Mésenguy, n’a soutenu les dogmes impies de la grâce nécessitante et de l’anéantissement du libre arbitre. Jamais un homme qui se dit chrétien ne s’est représenté le bon Dieu, le Dieu infiniment juste et infiniment miséricordieux de l’Évangile comme un tyran qui damne ou qui sauve selon son bon plaisir, et qui impose, sous peine de châtiments éternels, des commandements impossibles. La grande, la seule prétention de l’école de Port-Royal à toutes les époques, ç’a été de ne vouloir pas mentir et de ne pas vouloir innover en fait de dogme ou de morale évangélique. Non erit vobis verita nova, vous n’aurez pas de vérité nouvelle, comme le disait en 1643 l’épitaphe de Saint-Cyran. Si les Dominicains espagnols avaient triomphé au xvie siècle, au temps des célèbres congrégations de Auxiliis ; si le pape Paul V mieux inspiré n’avait pas relégué dans les archives du Vatican une bulle destinée à pacifier le monde chrétien, le molinisme n’aurait pas amené pour ainsi dire nécessairement la résistance augustinienne orthodoxe que les Jésuites ont flétrie sous le nom de jansénisme, L’Augustinus n’aurait pas été composé ; Port-Royal n’aurait pas eu à intervenir pour soutenir par tant d’écrits lumineux les doctrines inattaquables de la Grâce efficace et de la Prédestination ; le discours de Clément VIII et la Bulle de Paul V les établissaient sur des fondements inébranlables.