Page:Geffroy - Sisley.djvu/29

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déferle. Le moulin, que domine la cathédrale, la tour, les maisons, toute la petite ville est martyrisée par l’hiver. Accablée d’ans et de souvenirs, elle reste coquette, malgré tout, comme une vieille encore heureuse de ses falbalas détruits. Au ciel, immobiles, menaçants, chargés d’ombre jusqu’au noir, s’amoncellent de tristes cumulus.

Sisley a ainsi trouvé sa région. C’est la lisière de la forêt de Fontainebleau, les petites villes échelonnées sur les bords de la Seine et du Loing, Moret, Saint-Mammès. Il fait quelques excursions ici et là, il va à Asnières et il remonte la Tamise, mais il en revient toujours au coin mouillé et feuillu où son talent est à l’aise, où les gens et les choses lui sont familiers. Il a choisi un pays et il s’y tient, épris de la tranquille rivière et de la silhouette calme de la petite ville. Il écrit ainsi son chapitre de l’histoire de notre sol, de nos eaux, de notre ciel. Il marque sa place dans la musée de paysages que laissera notre siècle. Qu’on n’aille pas se désespérant, qu’on ne dise pas que tout est fini après Rousseau, qui a peint la Forêt, Corot, qui a peint l’Artois et les bois parisiens, Courbet, qui a peint la Franche-Comté, etc... Il y a place sur les panneaux de ce musée pour ceux qui veulent continuer cette histoire de la

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