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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/173

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une lettre de cachet pour le faire enfermer à Pierre-Encise, où il resta plusieurs années. Rien ne peut donner l’idée de la douleur qu’éprouva madame de Joui, cette intéressante et vertueuse femme ! M. de Joui fut arrêté et enlevé à six heures du matin, sans qu’on eût le moindre soupçon de cette violence, même la vieille Madame de Joui reçut aussitôt après son départ les visites de sa fille et de quelques parentes ; ces visites furent très-courtes, et ces personnes ne revinrent plus durant le peu de temps que nous restâmes à Chevilly. Nous ne quittâmes point madame de Joui pendant trois jours et trois nuits qu’elle fut dans un état affreux ; on accorda à mes instantes prières la permission de passer tout ce temps avec elle, c’est-à-dire sans me coucher. Ce sont les premières nuits que j’aie passées de ma vie, elles furent consacrées à la compassion et à l’amitié. Durant ces veilles et ces tristes jours, madame de Joui s’évanouissoit souvent, pleuroit sans discontinuer, me faisoit faire des lectures pieuses, nous serroit les mains et nous embrassoit en silence. Elle ne parloit que pour nous prier de temps en temps d’aller nous coucher ; et sur notre refus elle nous embrassoit