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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/219

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et je lui contois mes étonnantes aventures ; je parlois véritablement ; mon amie m’interrompoit, me questionnoit ; sa surprise, son admiration, ses éloges me ravissoient. J’avois toujours un peu parlé tout haut dans mes rêveries, mais ce fut à Origny que j’achevai de perfectionner ces dialogues imaginaires, auxquels la parole donne une illusion de vérité qui, en général, vaut presque la réalité, et qui, à certains égards, vaut mieux. Car, quelle amie réelle pourroit entrer dans nos sentimens, nous aimer, et nous comprendre comme celle qu’on fait parler soi-même ? Il est certain que ces rêveries fortifièrent mon caractère et mon âme ; elles m’ont été fort utiles depuis la révolution ; mais jusque-là et dans le cours ordinaire des choses, elles m’ont beaucoup nui, parce qu’elles m’ont absolument empêchée de réfléchir à ce que j’avois réellement à faire, de sorte que j’ai vieilli avec tous mes défauts, et que l’expérience a eu très-peu d’influence sur mes actions et sur mon caractère.

Je restai quatre mois et demi à Origny ; au bout de ce temps M. de Genlis revint me chercher, au mois d’avril. Je m’étois tellement at-