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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/286

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que cela, mais il le savoit bien. Cependant Molière, qui avoit tout observé, a peint quelque chose de semblable dans la Princesse d’Élide, qui est aussi une surprise de l’amour. Le style de Marivaux est souvent maniéré ; mais, par un tour d’esprit qui lui étoit particulier, ce n’est pas une prétention, c’est une originalité, et souvent aussi dans son dialogue, toujours ingénieux et spirituel, il y a des traits charmans, à la fois naturels, remplis de finesse, et même quelquefois d’une naïveté piquante. Dix ans après le temps dont je parle, je n’étois plus passionnée pour Marivaux, et je pensois qu’il avoit gâté beaucoup de littérateurs ; mais je le trouvois et je le trouve encore un auteur très-au-dessus du médiocre. Il a parfaitement saisi les nuances les plus délicates de divers sentimens et de plusieurs ridicules ; et, dans l’art d’observer les plus petites choses et de les bien peindre, il a infiniment surpassé Sterne, et beaucoup d’autres qu’on a admirés depuis, soit en France, soit en Angleterre. Sans parler des comédies de Marivaux, on peut dire que dans ses romans, dans sa Mariane et son Paysan parvenu, il y a des scènes très-supérieures à