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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/291

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des paysans venoient souvent me prier de les saigner, ce que je faisois ; mais comme on sut que je leur donnois toujours vingt-quatre ou trente sous après une saignée, j’eus bientôt un grand nombre de pratiques, et je me doutai que les trente sous me les attiroient ; alors je ne saignai plus que sur l’ordonnance de M. Millet, chirurgien de la Fère, qui venoit à Genlis tous les huit ou dix jours.

Le seul bien que M. de Genlis eût alors étoit sa terre de Sissy, à cinq lieues de Genlis ; elle valoit dix mille livres de rentes, et c’étoit dans ce temps comme vingt mille aujourd’hui ; nous n’en dépensions pas cinq, ainsi nous étions fort à notre aise, et M. de Genlis, qui étoit rempli de bonté et d’humanité, faisoit un bien infini dans le village ; mon beau-frère et sa femme étoient aussi fort généreux, aussi étoient-ils tous adorés des paysans.

Un matin, que j’étois seule dans ma chambre, on vint me dire qu’une jolie petite fille de Sissy demandoit à me parler. Je la reçus, et je vis en effet une jeune paysanne de seize ans, belle comme un ange. Elle se jeta à mes pieds en pleurant, et sans vouloir m’expliquer ce qu’elle me vouloit. Je la relevai, je l’embrassai avec un