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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/394

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M. de Voltaire étoit à Paris. M. d’Albaret se chargea de ce role ; M. de Genlis, le chevalier de Barbantane, et quatre ou cinq autres, firent d’autres beaux-esprits. Je pris le costume d’une femme de soixante ans ; et, d’après les leçons de M. d’Albaret, je jouai avec un grand succès madame du Bocage : je parlois de mon Voyage d’Italie ; on me parloit de ma Colombiade et de mon ancienne beauté ; ensuite toute l’attention se portoit sur M. de Voltaire, qui étoit ce que j’ai jamais vu de plus plaisant, et sans aucune charge. Il contoit des anecdotes et récitoit des vers, parmi lesquels se trouvoient beaucoup d’impromptus faits à ma louange, c’est-à-dire, à celle de madame du Bocage. Nous eûmes ainsi cinq Soupers de madame du Bocage, sans jamais nous blaser sur cette plaisanterie. M. d’Albaret étoit inimitable en Voltaire. Nous nous étions promis le secret, et il fut si fidèlement gardé, qu’on n’en a jamais parlé dans le monde. Au milieu de toute cette dissipation je cultivois naturellement tous mes talens de musique, puisque j’en faisois sans cesse ; mais en outre je lisois tous les jours régulièrement une heure pendant ma toilette, et je trouvois le