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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/401

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la dévotion, et une grande admiration pour les encyclopédistes. Elle n’étoit point aimable, mais elle avoit beaucoup de vertus ; on lui trouvoit de l’esprit et de l’instruction, parce qu’elle savoit l’anglois, chose fort rare alors. Nous allions assez souvent souper chez elle, il n’y avoit jamais à ces soupers que le chevalier de Jaucour ; et, outre ma tante et moi, tout au plus deux personnes ; nous n’y avons jamais été plus de six. Madame de Gourgues ne me plaisoit pas, elle me regardoit et me traitoit comme une enfant, et je gardois chez elle un profond silence. Ma tante y étoit aimable et gaie, elle faisoit tout l’agrément de ces petits soupers ; et il n’y avoit à cela ni motif intéressé, ni coquetterie : quand l’ambition ou son intérêt ne s’y opposoient pas, elle avoit un charmant caractère.

Le chevalier de Jaucour avoit une figure très-agréable, un visage rond, plein et pâle, des yeux noirs, de jolis traits, des cheveux bruns, négligés et dépoudrés, il ressembloit en effet à un clair de lune. Sa taille étoit noble, il avoit bonne grâce. Son caractère étoit excellent, plein de droiture et de loyauté. Il avoit fait plusieurs campagnes de guerre étant