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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/69

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jouai le rôle d’Agathe. Nous appelions tout cela des répétitions ; mais c’étoient de véritables représentations ; il y venoit un monde énorme de Bourbon-Lancy et de Moulins ; et ces fêtes éternelles devoient coûter beaucoup d’argent. On trouva que l’habit d’Amour m’alloit si bien, qu’on me le fit porter d’habitude ; on m’en fit faire plusieurs. J’avois mon habit d’Amour pour les jours ouvriers, et mon habit d’Amour des dimanches. Ce jour-là, seulement pour aller à l’église, on ne me mettoit pas d’ailes, et l’on jetoit sur moi une espèce de mante de taffetas couleur de capucine, qui me couvroit de la tête aux pieds. Mais j’allois journellement me promener dans la campagne avec tout mon attirail d’Amour, un carquois sur l’épaule et mon arc à la main. Au château, ma mère et tous les voisins ses amis ne m’appeloient jamais que l’Amour, ce nom me resta. Tels furent régulièrement mon costume et mes occupations pendant plus de neuf mois. J’ai peint cette singulière éducation dans l’histoire de la comtesse de Rosmond, des Mères rivales, et j’ai été bien loin, dans ce roman, d’en exagérer la bizarrerie ; car dans la mienne, il y eut un inconcevable mélange de choses profanes et de