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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/346

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ment leur humiliation en ouvrant des bouches énormes et en faisant des grimaces effroyables. M. Ott fut indigné du dessin, du coloris, et moi de la composition. « Comment peut-on placer cela dans un salon ! » disois-je. « Oui, disoit M. Ott, et quand on laisse un tableau du Corrége dans une vilaine antichambre !… » Ce tableau est entièrement de l’invention d’un mauvais peintre génevois, qui en avoit fait présent à M. de Voltaire ; mais il me paroît inconcevable que ce dernier ait eu le mauvais goût d’exposer pompeusement à tous les yeux une telle platitude. Enfin la porte du salon s’ouvrit, et nous vîmes paroître madame Denis, la nièce de M. de Voltaire, et madame de Saint-Julien. Ces dames m’annoncèrent que M. de Voltaire viendroit bientôt. Madame de Saint-Julien, qui étoit fort aimable, et que je ne connoissois pas du tout, étoit établie pour tout l’été à Ferney ; elle appeloit M. de Voltaire mon philosophe, et il l’appeloit mon papillon. Elle portoit une médaille d’or à son côté. J’ai cru que c’étoit un ordre ; mais c’est un prix d’arquebuse donné par M. de Voltaire, et qu’elle avoit gagné depuis peu de jours. Une telle adresse est un exploit pour