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DES URSINS.

tel dévouement, combien doivent paroître froids ou douteux les témoignages d’attachement que l’on peut recevoir dans le cours ordinaire de la vie !

Philippe V étoit naturellement sérieux, disposition fâcheuse dans l’inaction, lorsqu’elle est jointe à l’ignorance. Il regrettoit la France, c’étoit plutôt en lui un préjugé qu’un sentiment ; l’aisance et la grâce française convenoient moins à son humeur mélancolique et sauvage que l’étiquette et la gravité espagnole. Il se faisoit de l’amour de sa patrie un prétexte à l’ennui ; il auroit pu trouver un remède à ce dernier mal, en s’appliquant aux affaires : mais il avoit une paresse d’esprit insurmontable. Ce prince, dont le surnom atteste la valeur[1], s’étoit distingué à la guerre par le courage le plus brillant. Quoiqu’il n’eût pas l’élévation d’ame de son aïeul, il avoit de la grandeur dans les sentimens et de la droiture dans le caractère ; il ne manquoit pas de bonté, cependant il étoit

  1. Il fut surnommé le Courageux.