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DÉROUTÉ.

facilement ce qu’elle seroit un jour, et je l’adorois dans l’avenir. Je partis, je fis la guerre. La paix avec la Prusse me rappela dans ma patrie après quatre ans d’absence. J’avois toujours entretenu une correspondance avec Léontine ; ses lettres me promettoient et me prouvoient la plus tendre amitié ; l’absence, loin de me refroidir, exaltoit au contraire tous mes sentimens pour elle. À son âge, le temps ne pouvoit que l’embellir, je la voyois croître, je la voyois à seize ans !… je brûlais du désir de me retrouver auprès d’elle. Une blessure assez fâcheuse que j’avois reçue à l’épaule se rouvrit, et me força de m’arrêter à Châlons ; le lendemain, me trouvant un peu mieux, je sortis à pied pour essayer mes forces ; je vis une grande rumeur dans la rue, un peuple immense étoit attroupé devant une maison ; je perce la foule, je questionne, et l’on me dit que c’est une émigrée qui est imprudemment rentrée, et qu’on va arrêter ; en effet, au bout de quelques minutes, je vois sortir de la maison, conduite par de vils satellites, une jeune personne d’une beauté ravis-