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Mlle DE CLERMONT

les transports de l’amour et de la reconnoissance : il est vrai, il ne peignoit pas sa passion mais il la laissoit voir toute entière : un sage amoureux, tête à tête avec l’objet qu’il aime, est tout aussi foible qu’un homme ordinaire. La sagesse en amour ne peut servir qu’à faire éviter le danger ; elle a rarement assez de force pour le braver.

M. de Melun s’oublia deux heures avec mademoiselle de Clermont ; il ne lui parla que d’elle et de ses sentimens, et mille fois il jura de lui consacrer sa vie. Il fallut enfin se séparer ; il fallut, en sortant de chez mademoiselle de Clermont, revoir M. le Duc ; il fallut dissimuler, tromper et mentir !… C’est alors qu’une ame généreuse déplore l’empire funeste des passions, et qu’elle devient capable des efforts les plus courageux pour s’y soustraire. Mademoiselle de Clermont n’éprouvoit point ces combats et ces agitations cruelles dont la préservoient son innocence et la pureté de son ame ; d’ailleurs, tous les sacrifices étant de son côté, la délicatesse et la généro-