avoue que ſa diſtraction & votre indulgence m’impatientent toujours.
Dor. Mais, Madame, je vous en ai déjà expliqué les raiſons ; votre préſence l’intimide ou l’occupe ; elle vous regarde, penſe à vous, & —
Mél. Ma chere Dorine, vous me flattez.
Dor. Mon Dieu, Madame, tenez encore hier j’ai grondé Mademoiſelle ſur ce qu’elle avoit mal joué du clavecin devant vous ; elle m’a répondu : C’eſt que ma tante étoit vis-à-vis de moi, & je penſois qu’il n’y a pas dans le monde de plus beaux yeux que les ſiens, de plus expreſſifs, de plus brillants.
Mél. (d’un ton ſévere.) Lucie vous a dit cela.
Dor. Mot à mot, & avec cette naïveté, cette grace qui lui ſont ſi naturelles.
Mél. (du même ton.) De bonne foi, Mademoiſelle, penſez-vous me ſéduire par cette flatterie ridicule ?
Dor. Quoi, Madame, me croiriez-vous capable ?
Mel. Écoutez-moi. Je vous trouve mille bonnes qualités ; vous avez de l’eſprit, des talents, de l’inſtruction ; mais, de grace, ſi vous voulez que nous vivions enſemble, ne me louez pas ; je hais les éloges, & je m’en défie.
Dor. La modeſtie accompagne toujours la ſupériorité.
Mel. Encore !
Dor. N’en parlons plus. Croyez Madame, que mon attachement pour vous & pour Mademoiſelle votre niece, eſt ſans bornes, & que, —