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DU LIVRE INTITULÉ LE PASTEUR.


LIVRE PREMIER.


Les Visions.


I.


En ce temps-là, c’est-à-dire sous le pontificat de saint Clément, deuxième successeur du prince des apôtres, vivait à Rome un homme d’une piété singulière, le bon et simple Hermas, que saint Paul salue dans l’épître aux Romains. Celui qui l’avait nourri avait pour esclave et vendit une petite fille qu’Hermas retrouva au bout de quelques années, qu’il reconnut et qu’il aima comme une sœur ; le jeune homme se disait : « Heureux si j’avais une telle épouse !… »

Plus tard, et devenu père de famille, Hermas se promenait un jour le cœur plein du souvenir de celle qu’il avait aimée, et tout à coup il s’endormit et fut enlevé dans un lieu sauvage où jamais homme n’avait passé ; il arriva ensuite dans une plaine, et, se mettant à genoux, il commença à prier Dieu et à confesser ses fautes. Il priait, et soudain le ciel s’ouvrit, et la jeune fille qu’il avait chérie dans sa jeunesse le saluait d’en haut, disant : « Hermas ! bonjour ! — Que fais-tu là ? répondit Hermas. — Je suis ici, disait-elle, pour t’accuser devant Dieu. — M’accuser ! toi !… que t’ai-je fait ? — Hermas ! reprit en souriant la jeune fille, il est des pensées qui ne naissent jamais dans le cœur des justes. » Elle dit, et le ciel se referma.

Hermas, remplit d’épouvante, repassa dans son cœur ce qu’il venait d’entendre, et voilà qu’à ses côtés se dresse une grande chaire faite de laines blanches comme la neige, et une vieille femme, magnifiquement vêtue, s’y asseoit un livre à la main, et lui dit : « Pourquoi pleurez-vous ? Ce n’est pas vous, mais vos enfants qui excitent la colère du Très-Haut, car ils ont péché contre leurs parents et contre Dieu. Vous les aimez trop, Hermas ! vous permettez qu’ils agissent avec violence ;