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propriétés particulières, et même des objets d’art les plus nécessaires à la reproduction de la terre, enfin massacre des habitants sans distinction ni d’âge, ni de sexe, ni de rang, ni de condition, les barbares ne connurent pas d’autre moyen de soumettre les nations civilisées de l’Europe ; ils s’intitulaient eux-mêmes les fléaux de Dieu, et se disaient envoyés pour châtier et détruire. Païens ou ariens, longtemps ils ne respectèrent pas plus le sacré que le profane.

On ne peut lire sans frissonner d’horreur la peinture que font de cette longue et cruelle invasion les historiens contemporains. Témoins de tant de scènes de désolation et de carnage, ils se plaignent de n’avoir, pour les décrire, que des expressions trop faibles et trop au-dessous de la réalité ; ils comparent les ravages des barbares à ceux des tremblements de terre, des volcans et des déluges. L’Espagne, alors une des plus riches et des plus populeuses provinces romaines, fut envahie par les Vandales en 409, et conquise entièrement en 411. Idace, témoin oculaire, s’exprime ainsi : « Les barbares ont tout ravagé avec la plus inouïe férocité. Leurs excès ont engendré la peste et la famine, qui a été si grande, que les vivants ont été réduits à se nourrir de cadavres. » Ces mêmes Vandales, chassés de l’Espagne par d’autres barbares, les Goths qui avaient suivi leurs traces, se jetèrent sur l’Afrique en 418, et ils en firent un désert, au point que l’historien Procope dit : « L’Afrique a été tellement dépeuplée, qu’on pouvait y voyager plusieurs jours de suite sans rencontrer un seul homme. Ce n’est pas exagérer que d’avancer que, dans le cours de cette guerre, il périt au moins cinq millions d’habitants. » Les barbares fondirent aussi sur l’Italie, et Rome qui s’était enivrée du sang des martyrs fut pillée et saccagée plusieurs fois.

Ce fléau dévastateur ne fut point passager, comme le sont les fléaux de la nature. L’époque de sa plus grande violence comprend une période de 176 ans depuis la mort de l’empereur Théodose II, en 393, jusqu’au règne d’Alboin, premier roi des Lombards, en 571.

Sur la fin du 6e siècle, les peuples barbares, maîtres de