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Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 2.djvu/236

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tre chair et notre sang sont nourris, sont la chair et le sang de ce même Jésus. » « Quelques-uns, dit Le Clerc (Hist. ecclés., an. 139, § 30), ont conclu de ces paroles, et de quelques autres passages semblables des anciens, que Jésus-Christ unit les symboles eucharistiques à son corps et à son sang par une union hypostatique, de même que le Verbe éternel a uni à sa personne l’humanité entière de Jésus-Christ ; mais c’est bâtir sans fondement, que de vouloir appuyer un dogme sur une comparaison faite par saint Justin, écrivain très-peu exact. Il a seulement voulu dire que le pain et le vin de l’Eucharistie deviennent le corps et le sang de Jésus-Christ, parce que le Sauveur a voulu que, dans cette cérémonie, ces aliments nous tinssent lieu de son corps et de son sang. »

On ne peut pas mieux s’y prendre pour tromper les lecteurs. À la vérité ceux d’entre les luthériens qui ont admis dans l’Eucharistie l’impanation ou consubstantiation, ont pu imaginer une union hypostatique ou substantielle entre Jésus-Christ et le pain et le vin ; mais elle ne peut pas être supposée par les catholiques, qui croient la transsubstantiation ; qui sont persuadés que par la consécration la substance du pain et du vin est détruite ; qu’il n’en reste que les apparences ou les qualités sensibles ; qu’ainsi la seule substance qu’il y ait dans l’Eucharistie est Jésus-Christ lui-même. Parce que saint Justin compare l’action par laquelle le Verbe divin s’est fait homme à celle par laquelle le pain et le vin deviennent son corps et son sang, il ne s’ensuit pas que l’effet de l’une et l’autre action est parfaitement la même ; il s’ensuit seulement que l’une et l’autre opèrent un changement réel et miraculeux. Cela ne serait pas, et la comparaison serait absurde, si les paroles de Jésus-Christ signifiaient seulement que le pain et le vin doivent nous tenir lieu de son corps et de son sang. Or, il n’a pas dit : Prenez et mangez, comme si c’était mon corps et mon sang ; il a dit : « Prenez et mangez, ceci est mon corps et mon sang. » Mais puisque les protestants se donnent la liberté de tordre à leur gré le sens des paroles de l’Écriture, ils peuvent bien faire de même à l’égard des paroles des Pères de l’Église.

Ils ont cependant beau s’aveugler, la description que fait saint Justin, dans cet endroit, de ce qui était pratiqué dans les assemblées religieuses des Chrétiens, sera toujours la condamnation de la croyance et de la conduite des protestants. Ce tableau est très-conforme à celui que saint Jean a tracé de la liturgie chrétienne (Apoc. chap. iv et suiv.) : l’un sert à expliquer l’autre. Nous y voyons (nos 66 et 67), 1° que la consécration de l’Eucharistie se faisait tous les dimanches ; au lieu que la plupart des protestants ne font leur cène que trois ou quatre fois par an. 2° Cette cérémonie est nommée par saint Justin eucharistie et oblation ; les protestants ont supprimé