Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 2.djvu/292

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cuteur étranger, mais qu’il avoue librement pour son compte. Le cynique Anomaüs, et les six cents autres auteurs grecs qui, suivant Eusèbe, avaient écrit contre les oracles, n’avaient pu mieux faire que Cicéron dans cet ouvrage. Les paroles par lesquelles il le termine semblent une profession de déisme opposée à la fable du polythéisme et aux vaines terreurs du vulgaire.

« Parlons avec vérité, dit-il, la superstition répandue chez les peuples a opprimé presque toutes les âmes, et s’est emparée de la faiblesse humaine. Nous l’avions dit dans l’ouvrage sur la Nature des dieux, et nous l’avons plus particulièrement démontré dans ce dernier écrit, convaincus comme nous le sommes, que nous aurions fait une chose utile à nos concitoyens et à nous-mêmes, si nous avions déraciné une telle erreur. Cependant (car sur ce point je veux que ma pensée soit bien comprise), la chute de la superstition n’est pas la ruine de la religion. Il est d’un sage de maintenir les observances instituées par nos aïeux dans les sacrifices et les cérémonies ; et l’existence d’une nature éternelle, la nécessité pour l’homme de la reconnaître et de l’adorer, est attestée par la magnificence du monde et l’ordre des choses célestes. Ainsi, de même qu’il faut propager la religion qui se lie à la connaissance de la nature, il faut arracher toutes les racines de la superstition[1]. »

On ne peut confondre ce langage avec celui de Lucrèce, qui prétendait également délivrer les âmes des terreurs imbéciles de la superstition ; une cause première, une nature divine remplace ici le mouvement inexplicable des atomes d’Épicure. Était-ce le terme où s’arrêtaient les pensées de Cicéron, son esprit était-il étranger à toute croyance superstitieuse ? Consultons ses lettres, monument si vrai de toutes les faiblesses

  1. Qui aurait pu faire une pareille œuvre ? Platon avait déjà dit qu’il fallait que la vérité vint elle-même sur la terre pour instruire les hommes dans l’état de dégradation où ils étaient tombés, et ce que M. Villemain dit de Cicéron en est ici une éclatante preuve.