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glé, ce n’est point l’instrument que j’adore, mais bien celui qui en tire et modifie les sons à son gré, et qui produit la variété de ces accords ; de même que ceux qui président aux jeux ne laissent point de côté les musiciens pour couronner leurs harpes. Que le monde soit encore, comme l’a dit Platon, le chef-d’œuvre de Dieu, tout en admirant sa beauté, je m’élève vers son auteur : qu’il soit la substance corporelle de Dieu, comme le veulent les péripatéticiens, nous nous garderons bien d’abandonner le culte dû au Dieu qui imprime le mouvement à ce vaste corps, pour nous abaisser à de faibles et misérables éléments ; ce serait égaler à l’Être éternel une matière vile, périssable, et sujette à la corruption. Enfin, si l’on regarde les parties du monde comme autant de puissances de Dieu, ce n’est point à ces puissances que nous irons offrir nos hommages, mais bien à leur créateur et à leur maître. Je ne demande point à la matière ce qu’elle n’a pas, ni je ne laisse point Dieu pour adorer des éléments, dont le pouvoir ne s’étend pas au delà des bornes qui leur furent assignées. Quelle que soit en effet la beauté qu’ils tiennent de leur auteur, ils n’en conservent pas moins la nature de la matière. Le témoignage de Platon se joint encore à notre sentiment. « Cette essence appelée le ciel et le monde, dit-il, a reçu, il est vrai, bien des priviléges de son auteur ; cependant elle participe de la matière, et par là même elle n’est point affranchie de la loi du changement. »

Si donc en admirant la beauté du ciel et des éléments je ne les adore point comme des dieux, puisque je sais qu’ils sont soumis à la loi de la dissolution, comment adorerai-je de vaines idoles, que je sais être l’œuvre de l’homme ? C’est ce que je vous prie d’examiner un moment avec moi.

XVII. Il importe, dans l’intérêt de ma cause, que je prouve bien clairement que les noms de vos dieux sont tous récents encore, et que leurs statues ne datent pour ainsi dire que d’hier ou de trois jours, et vous le savez bien, vous qui connaissez les auteurs anciens, autant et mieux encore que tous les savants. Je dis donc que c’est Orphée, Homère et Hésiode, qui ont donné à ces êtres qu’on appelle dieux leurs noms