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Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 2.djvu/373

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langues, après le déluge qui anéantit les premiers hommes, on vit régner Saturne, Titan et Japhet, enfants illustres du Ciel et de la Terre, qu’on appela de ces deux noms parce qu’ils étaient les premiers de ces hommes aux langages divers. »

Pourquoi s’étonner que les uns, à cause de leur force, comme Hercule et Persée ; d’autres, à raison de leur habileté, comme Esculape, aient été appelés dieux, ainsi que les rois à qui leurs sujets décernèrent les honneurs divins ? Les uns en furent redevables à la crainte qu’ils inspiraient, les autres à la vénération qu’on avait pour leurs vertus. Ainsi Antinoüs, un de vos ancêtres, mérita sans doute d’être regardé comme un Dieu, à cause de son humanité pour ses peuples ; et la postérité a reçu son culte sans examen. Écoutez ce que dit un poëte parlant de Jupiter :

« Les Crétois sont toujours menteurs, ils t’élevèrent un tombeau, grand roi, mais tu n’es point mort. »

Ô Callimaque, tu crois à la naissance de Jupiter ! pourquoi ne pas confesser aussi sa mort ? Ne vois-tu pas qu’en affectant de la cacher, tu l’apprends à ceux mêmes qui l’ignoraient. Quand tu vois la caverne de l’île de Crète, tu te rappelles aussitôt l’enfantement de Rhéa : pourquoi donc, à la vue du tombeau de Jupiter, vouloir te dissimuler sa mort ? Tu ignores sans doute qu’il n’est qu’un seul Dieu éternel, parce que seul il n’a point été engendré. Ou ces fables rapportées par le peuple et par les poëtes, touchant les dieux, sont indignes de foi, et dès lors le culte de ces derniers devient inutile (car à quoi bon honorer des êtres imaginaires), ou bien ces amours, ces naissances, ces homicides, ces larcins, ces mutilations, ces foudres, sont des faits réels ; alors depuis longtemps vos dieux ont cessé d’être, puisqu’ils étaient engendrés. D’ailleurs, pourquoi penser comme les poëtes sur certains points, et ne pas les croire sur d’autres, puisqu’ils n’ont écrit l’histoire des dieux que pour célébrer leur mémoire ? Certes, ceux qui les honorèrent comme des divinités, et qui décrivirent si pompeusement leurs hauts faits, n’auraient point imaginé leurs passions, si elles n’a-