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intérêt, car il n’a besoin de rien, et celui qui est au-dessus de tout ne cherche dans son œuvre aucun avantage personnel. Enfin Dieu n’a pas destiné l’homme à l’usage de quelqu’autre créature ; tout être doué de jugement et de raison est ou a été créé non pour l’usage d’un être supérieur ou inférieur à lui, mais bien pour lui-même et pour le soin de sa conservation. Et, en effet, la raison ne nous découvre aucune créature en vue de laquelle l’homme aurait été fait ; les esprits immortels, hors de tout besoin et de tout danger, n’ont que faire des secours de l’homme pour vivre heureux et pour vivre toujours ; et quant aux animaux, sujets de l’homme par leur nature, ils viennent lui offrir leurs services divers, selon leurs différentes espèces ; mais ils n’ont été nullement destinés à faire servir les hommes à leur usage : car il ne serait pas juste de mettre à la discrétion d’une espèce secondaire des créatures d’un ordre supérieur, et de subordonner des êtres intelligents au bon plaisir d’un animal sans raison.

En conséquence, si l’homme n’a pas été créé sans but et sans raison (car rien n’est donné au hasard dans les desseins du Créateur) ; s’il est également vrai que ce n’est ni pour son propre avantage, ni pour celui d’aucune autre créature, que Dieu a fait l’homme, quel est donc le motif de la création de l’homme ? Sans doute, si l’on considère la fin première et générale de toutes choses, Dieu n’a pu le créer que pour lui-même, et pour manifester la bonté et la sagesse qui brillent dans tous ses ouvrages ; mais si l’on s’arrête à la fin particulière de l’homme, à celle qui lui est propre, cette fin est qu’il vive, mais non de cette courte vie semblable à un flambeau qui brille un moment et qui s’éteint ensuite pour toujours ; vie périssable que Dieu accorde aux reptiles, aux oiseaux, aux poissons et aux êtres les plus stupides. Dieu devait une autre vie à l’être qui est son image, qui a reçu en partage une âme intelligente et raisonnable, et cette vie qu’il destine à l’homme est immortelle, afin qu’il soit éternellement occupé à connaître son créateur et à admirer sa puissance et sa sagesse, et qu’après avoir suivi sa loi, pratiqué la justice, il jouisse au sein d’une paix inaltérable