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SAINT IRÉNÉE.

comme quelques-uns l’avancent témérairement, mais uniquement aux puissances de ce monde. C’est ce qu’il nous assure lui-même, en disant : « Vous payez le tribut aux princes, parce qu’ils sont les ministres de Dieu, remplissant en cela une mission de Dieu. » Notre Seigneur lui-même nous a prêché cette même doctrine, en refusant de rendre hommage au démon, et quand il fit payer exactement le tribut au prince, tant pour lui que pour Pierre, son disciple, « parce que les princes sont les ministres de Dieu, ayant reçu de lui une mission. »

L’homme, en s’éloignant de Dieu par le péché, avait tellement perverti sa nature, qu’il s’était en quelque sorte fait l’allié du démon, son ennemi juré, se livrant sans remords à tous les crimes et à toutes les passions. Alors Dieu voulant lui donner un frein, mit dans son cœur la crainte de l’homme (car le genre humain avait mis en oubli la crainte de Dieu) ; ainsi, soumise à des hommes puissants et enchaînée par leurs lois, l’humanité put revenir à un commencement de justice, et l’homme devint le modérateur de l’homme par la crainte du glaive ; car « ce n’est pas en vain, dit l’apôtre, que le prince porte le glaive ; il est le ministre de Dieu pour exécuter sa vengeance, en punissant celui qui fait mal. » Voilà pourquoi encore il y a des magistrats qui sont préposés pour rendre la justice, et auxquels il ne sera demandé aucun compte de ce qu’ils auront fait dans un sentiment de justice et d’équité ; mais qui seront sévèrement punis s’ils rendent des jugements iniques et impies, et tiennent une conduite tyrannique envers ceux qu’ils sont appelés à juger ; car Dieu fait peser sur tous également le niveau de sa justice, qui ne manque à personne. Ainsi les empires humains ont été institués par Dieu dans un but d’utilité générale, afin que les hommes, redoutant l’empire de ceux qui règnent sur eux, écoutassent la voix de la raison et ne vécussent pas comme les bêtes, et qu’en se livrant à l’accomplissement des bonnes lois, ils rétablissent peu à peu le règne de la justice. On ne peut donc supposer que le démon soit le fondateur de cet ordre matériel, lui qui est ennemi de tout ordre,