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le dernier et le plus jeune des douze Æons nés d’Anthropos et d’Ecclesia : une passion s’empara de lui, passion adultère dont Thélétus son époux n’était point l’objet. Cette passion, qui d’abord avait troublé les Æons nés de Nus et d’Aletheia, finit par s’emparer de Sophia, Æon dépravé, plus coupable de témérité que d’amour, quoique l’amour en eût été le prétexte. Père parfait, il était jaloux de n’avoir pas été admis, comme Nus, à contempler la perfection du Père : cette passion n’était donc autre chose qu’un désir violent de connaître le Père. Sophia voulut, comme le disent les valentiniens, avoir la compréhension de la grandeur du Père, chose impossible, dont l’inutile entreprise le précipita dans une épouvantable crise : d’une part, la grandeur profonde et l’incompréhensibilité du Père le tourmentaient ; de l’autre, c’était l’extension toujours croissante et toujours plus extrême d’un amour dont la douceur l’eût infailliblement absorbé en l’identifiant à l’essence du Propator, s’il n’eût trouvé un appui hors de cette grandeur inénarrable, dans cette puissance pour qui tout s’affermit et tout se conserve ; cette puissance, ils la nomment Horos. Horos donc vint sauver Sophia, il lui servit de soutien jusqu’au jour où, revenu enfin à lui-même, et reconnaissant l’incompréhensibilité du Père, il renonça à l’effort coupable, à la passion funeste où l’avait précipité l’ardeur d’une indicible admiration.

Voici maintenant une autre version sur la passion et le retour de Sophia ; un grand nombre de valentiniens l’ont adoptée : ceux-ci disent que de cet effort incompréhensible et irréalisable, sortit une substance sans forme, de même sexe que celui qui l’avait engendrée : à peine Sophia s’en fut-il apperçu, qu’affligé du fruit imparfait de sa maternité, il trembla que tel qu’il existait, ce fruit ne fût encore incomplet ; puis dans son imprévoyante anxiété, il rechercha la cause ignorée de son malheur et la raison qui l’empêchait de la découvrir. Las enfin du misérable état où l’avaient plongé longtemps l’affliction et la crainte, il tâcha de remonter vers le Père ; mais la force lui manqua, et il implora son aide : à ces supplications vinrent s’unir celles de tous les autres Æons, et plus particulièrement