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peuple, si nous ne voulons pas de votre pourpre et de vos dignités ; ni nous juger factieux, si nous ne cherchons que la vertu, si nous sommes aussi paisibles, réunis que séparés ; ni nous donner pour des parleurs sans fin dans le secret, si c’est vous qui avez honte ou qui craignez de nous écouter en public. Notre propagation toujours croissante n’est point une preuve d’erreur, mais un témoignage glorieux. Quand la vie est pure comme la nôtre, les amis restent et les autres arrivent. Ce n’est point, comme vous le pensez, à des marques extérieures, mais à l’innocence et à la modestie que nous nous reconnaissons ; un mutuel amour nous unit. Nous ne savons pas ce que c’est que la haine, et voilà ce qui vous irrite. Nous nous appelons frères, comme enfants d’un même père, comme partageant la même foi, comme héritiers d’une même espérance, et voilà ce qui excite votre envie. Car vous ne vous connaissez pas entre vous ; vous vous déchirez mutuellement, vous ne vous reconnaissez frères que pour le parricide.

XXXII. Pensez-vous que nous cachions l’objet de notre culte, parce que nous n’avons ni temples ni autels ? Sous quelle forme représenter Dieu, si l’homme lui-même, aux yeux de la raison, est son image ? Quel temple lui ériger, lorsque le monde qu’il a fait ne peut le contenir ? Enfermerai-je dans l’étroite enceinte d’un petit édifice la majesté d’un si grand Dieu, lorsque moi, simple mortel, je serais plus à l’aise hors de cette enceinte ? Ne vaut-il pas mieux lui dédier un temple dans notre esprit, lui consacrer un autel dans notre cœur ? Offrirai-je au souverain maître des victimes qu’il a destinées pour notre usage, lui renverrai-je ses propres dons ? Ne serait-ce pas une ingratitude ? Une âme droite, une conscience pure, une foi sincère, voilà les seules offrandes dignes de lui. Vivre dans l’innocence, c’est le prier ; pratiquer la justice, c’est lui faire des libations ; s’abstenir de l’injustice, c’est se concilier sa faveur. Tel est notre culte, tels sont nos sacrifices ; le plus juste parmi nous est le plus religieux. Nous ne pouvons, dites-vous, ni voir, ni montrer le dieu que nous adorons ; c’est par là même que nous le croyons Dieu, parce que, sans le voir, nous sentons qu’il existe.