Enfin, il est bien de ne pas manger de la viande et de ne pas boire du vin, c’est le conseil de l’apôtre et des Pythagoriciens. Cela est, en effet, plus des bêtes sauvages que de l’homme. Il s’en exhale des vapeurs épaisses et troubles qui obscurcissent l’intelligence. Celui toutefois qui en mange ne pèche point, pourvu qu’il en use modérément ; qu’il ne s’y livre point, qu’il n’en dépende point, et ne les prenne point avec une avidité dévorante, car une voix murmurera à ses oreilles ces paroles de l’apôtre : « Ne perdez pas, à cause de votre nourriture ; celui pour qui Jésus-Christ est mort. » C’est être insensé, que d’admirer les festins publics après avoir goûté les secrètes délices du Verbe ; mais c’est le comble de la folie de suivre des yeux chaque plat avec une telle avidité qu’il semble que les domestiques portent en même temps votre gourmandise. Comment n’est-il pas honteux de se lever de son siége pour regarder les plats, les voir de plus près, et aspirer avidement d’avance l’odeur qu’ils exhalent ? Comment la raison peut-elle souffrir qu’on y porte, qu’on y jette incessamment une main rapace, non point pour s’en nourrir, mais pour s’en remplir et s’en accabler ? Ce sont des animaux immondes plutôt que des hommes ; ils se hâtent tellement de se remplir, que leurs deux joues s’enflent et rendent leur visage monstrueux ; la sueur en découle de tous côtés, parce que l’excès avec lequel ils mangent les gonfle et leur ôte la respiration. Ils mangent avec tant de précipitation et une avidité si indécente, qu’il semble que leur estomac soit un réservoir où ils font un amas et des provisions pour longtemps, au lieu de penser à se nourrir. Tout excès est un mal ; mais l’excès en fait de nourriture est le pire de tous. La gourmandise est une sorte de folie et de rage. Voici les paroles mêmes de l’apôtre contre ceux qui s’abandonnaient à ce vice : « Lors donc que vous vous assemblez comme vous faites, ce n’est plus manger la Cène du Seigneur, car chacun y mange ce qu’il a apporté pour le repas sans attendre les autres ; et ainsi les uns n’ont rien à manger pendant que les autres sont dans l’ivresse. N’avez-vous pas vos maisons pour y boire et pour