« Ne vous livrez pas, dit l’apôtre, aux excès du vin d’où naît la dissolution. » L’ivresse et la luxure sont inséparables. Le fils de Dieu changea, il est vrai, l’eau en vin aux noces de Cana, mais il ne permit pas aux conviés de s’enivrer. Le mélange de l’eau et du vin dans le sacrement de l’Eucharistie représente l’union de la loi nouvelle et de la loi ancienne, union qui forme aujourd’hui le vrai culte offert par le Christ, et agréable à Dieu. L’eau est l’ancienne loi, le vin est le sang du Christ qui est le fondement de la loi nouvelle. Les soins de Dieu pour l’homme se sont suivis sans interruption depuis Adam jusqu’à nous. « Le vin est tumultueux et l’ivresse turbulente ; quiconque s’y livre ne sera jamais sage, » nous dit l’Écriture. Cependant on en peut boire en hiver contre le froid, et dans les autres saisons comme remède aux maladies de l’estomac. On mange pour apaiser la faim, ainsi on ne doit boire que pour se désaltérer. Enfin, il faut user du vin avec les plus grandes précautions, de peur de tomber, car il n’est rien de plus glissant et de plus dangereux que cet usage. Ainsi notre âme sera pure, sobre et lumineuse. La sobriété de l’âme en fait la sagesse et la force ; en cet état elle conserve toutes ses facultés contemplatives ; elle n’est point souillée des vapeurs malignes que le vin exhale, ni resserrée et épaissie, si je l’ose dire, en une masse inerte et flottant au hasard, comme les nuages. Pourquoi rechercher les vins de prix ? Est-il besoin, pour apaiser la soif, d’un vin ardent et fumeux ? Ces vins délicieux qu’on transporte à grands frais sur mer, de Lesbos, de Crète, de Syracuse, ou de quelques contrées de l’Égypte et de l’Italie, il les faut laisser à ces insensés, à qui le désordre de leurs désirs ôte la raison avant même que l’ivresse la leur ait ôtée. Les diverses qualités de ces vins sont innombrables comme leurs noms. Un homme modéré doit se contenter d’une seule espèce de vin. Le vin que produit son pays ne peut-il pas suffire à chacun ? Ou faut-il encore imiter ces rois insensés qui envoyaient, jusques dans l’Inde, chercher de l’eau du fleuve Choaspe, eau qui paraît, dit-on, aussi bonne à ceux qui en boivent que le meilleur vin aux ivrognes. L’Esprit saint, par