pour tout homme qui pense, que les Chrétiens d’aujourd’hui sont des philosophes, ou que les philosophes d’autrefois étaient des Chrétiens.
Si le monde est gouverné par une providence et conduit par la volonté d’un seul Dieu, comme nous venons de le prouver, il ne faut pas qu’une antiquité ignorante, émerveillée de ses fables et séduite par elles, nous entraîne dans ses égarements, puisqu’elle est réfutée par ses propres philosophes qui, avec la sanction du temps, ont encore l’avantage de la raison. Nos pères ont été si faciles à recevoir toutes sortes de mensonges, qu’ils ont admis, avec une inconcevable crédulité, les prodiges les plus absurdes, tel qu’une scylla à plusieurs corps, une chimère à différentes formes, une hydre sans cesse renaissante de ses fécondes blessures, des centaures, hommes et chevaux tout ensemble. Ils accueillaient avec avidité toutes les fictions de la renommée. Que dirons-nous de ces rêves d’une vieillesse délirante, de ces métamorphoses d’hommes en oiseau, en bêtes, en arbres, en fleurs ; certes, si elles s’étaient jamais faites, elles se feraient encore ; et dès lors qu’elles ne peuvent se faire, c’est une preuve qu’elles n’ont jamais été possibles. Nos ancêtres ont été tout aussi crédules, tout aussi imprudents dans leur grossière simplicité, lorsqu’ils ont adopté leurs dieux. Ils ont rendu un culte religieux à leurs rois ; ils ont voulu les contempler dans leurs images, après leur mort, et conserver leur mémoire dans leurs statues ; et les objets de leur consolation sont devenus à leurs yeux des êtres sacrés. Avant que le monde fut ouvert au commerce, que les nations eussent mêlé leur culte et leurs mœurs, chaque peuple honorait, comme un citoyen digne de mémoire, ou son fondateur, ou un capitaine célèbre, ou une reine pudique, supérieure à son sexe, ou un bienfaiteur, ou l’inventeur de quelque art utile. Par ce moyen, on donnait une récompense aux morts et un exemple à la postérité.
XXI. Lisez les récits des historiens et les écrits des philosophes, et vous serez, comme moi, frappé de cette vérité. Évhémère montre très-bien que toutes ces divinités sont des hommes