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VIE DE SAINT CYPRIEN.

Tant de vœux et de soupirs furent entendus. L’Afrique ayant changé de proconsul, la tribu fidèle retrouva quelques jours de paix. Un des premiers actes du nouveau magistrat fut d’élargir les confesseurs, encore détenus dans les prisons. Quelle joie parmi les Chrétiens à l’aspect de ces nobles triomphateurs ! que de félicitations sur leur fermeté ! que de chastes embrassements après une longue séparation ! Maison, patrimoine, vêtements, la tyrannie leur avait tout enlevé, la charité chrétienne se disputait l’honneur de soulager leur misère et de venir en aide à leurs besoins. Mais, hélas ! quelques-uns d’eux, forts contre la souffrance, ne purent résister aux séductions du monde, et profanèrent par l’orgueil, par l’ivresse, par des commerces illicites ou par une vanité insolente, les couronnes qu’ils avaient remportées sur les champs de bataille de la foi. Cyprien se hâta de porter un remède à ces affligeants scandales ; il conjura, il supplia ces soldats de Jésus-Christ de se souvenir de leur dignité, et de placer leur gloire sous la garde de ia persévérance, parce qu’il n’y avait de salut que pour celui qui persévérait jusqu’à la fin.

L’évêque de Carthage songeait alors à quitter sa solitude. Des raisons puissantes le rappelaient dans la ville épiscopale au milieu de son troupeau. Cependant des considérations non moins puissantes le déterminèrent à prolonger son exil. La paix était douteuse encore ; il la compromettrait peut-être par sa présence. La haine des païens était toujours vivante contre lui ; il rallumerait un incendie mal éteint, et entraînerait par sa faute de nouvelles apostasies. Tertullus, un des prêtres de Carthage, dont la sagesse et l’amitié avaient un grand poids sur lui, le confirma dans ces résolutions.

Si le pieux exilé soupirait après son retour, les factieux dont nous avons parlé plus haut l’appréhendaient. L’Église allait tenir ses assemblées générales. Là, devant l’inflexible conscience des évêques, devant les palmes des confesseurs et des martyrs, de-