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xlix
VIE DE SAINT CYPRIEN.

fois qu’il est hors de la vérité. À Carthage, Novat précipitait la réconciliation contre toutes les règles de la prudence. À Rome, il s’unit avec celui qui, rejetant toute réconciliation, voulait une pénitence inflexible comme le destin du vieux paganisme. Ces deux hommes s’étaient compris, parce qu’ils avaient un instinct de destruction qui leur était commun. Audacieuse profanation d’une part, ou rigueur mal entendue de l’autre, la religion avait également à perdre des deux côtés. Quelques prêtres et quelques confesseurs, qui n’entrevoyaient pas les conséquences de ces maximes désespérantes, séduits peut-être par une rigidité qui semblait restituer à la discipline son énergie et à la vertu ses nobles difficultés, embrassèrent le parti de Novatien. Celui-ci fit grand bruit de cette défection. Il écrivit de tous côtés pour justifier sa séparation et infirmer l’élection de Corneille, qu’il chargeait d’imputations aussi odieuses que mensongères. Pour mieux retenir dans son parti ceux qui s’y étaient attachés, il osa mettre ses fureurs sous la protection de l’Eucharistie. Chaque fois qu’il distribuait aux siens le pain et le vin consacrés, il contraignait ses adhérents de jurer, les mains jointes dans les siennes, que jamais ils ne l’abandonneraient ; et, au lieu de répondre amen aux paroles sacramentelles, ils s’écriaient : Point de paix avec Corneille !

L’abîme invoque l’abîme. Novatien voulut être évêque à tout prix. Quelques jours après l’élection de Corneille, il attira dans Rome trois évêques qui demeuraient dans un petit canton d’Italie, hommes simples et grossiers ; il les enferma dans un appartement secret, les enivra par des breuvages préparés à dessein, et profita du trouble de leur raison et des ombres de la nuit pour se faire imposer les mains par eux. Voilà quelle fut l’origine du premier anti-pape. Un de ces étranges consécrateurs ne tarda point à apporter aux pieds de Corneille ses larmes et son repentir. Les deux autres persistèrent dans le schisme. Tous trois furent remplacés par des évêques catholiques.