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Page:Gentil, La chute de l’empire de Rabah, Hachette, 1902.djvu/133

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Krebedjé, l’ordre de ramener 200 charges de première utilité demandées par Bretonnet, et d’être de retour le plus tôt possible, lorsque trois jours plus tard, c’est-à-dire le 2 août au soir, un nouveau courrier me parvint. La situation s’était aggravée soudainement : le péril pour les nôtres était grand ; une attaque de Rabah était imminente.

Mais Bretonnet, avec le calme courage qui était dans le fond de sa nature, ne mettait pas en doute le succès final : « Je me hâte de vous annoncer, écrivait-il, que, bien que ne disposant que de 44 miliciens et de 20 Bacongos armés, nous sommes en état, avec les 400 Baguirmiens environ armés de fusils, et grâce à notre fortin et à nos trois pièces de 4, de faire bonne contenance et d’infliger des pertes sérieuses à l’ennemi, que je compte bien obligera la retraite. » Ailleurs, il écrivait : « Nous serons attaqués demain ou après-demain. Nous sommes en bonne position défensive ; l’arrivée de la compagnie Jullien s’impose donc, soit pour nous aider à nous dégager, soit pour la poursuite si, comme j’y compte, nous repoussons de suite Rabah. » Au capitaine Jullien, il écrivait : « Rabah ne possède guère que des fusils à piston. Il n’a plus guère pour ses quelques mousquetons que des cartouches refaites par lui avec des balles en fer, ayant perdu par conséquent toute portée… »

J’ai tenu à donner plusieurs extraits de ces lettres de mon malheureux ami, parce qu’elles montrent avec quelle crânerie et quel beau mépris du danger, Bretonnet, élevé à cette dure école qu’est la marine française, nourri de ses traditions chevaleresques, envisageait la lutte avec un ennemi si dangereux et si formidable.

Pourquoi faut-il qu’il l’ait tant méprisé, cet ennemi ! Hélas ! non, Rabah n’avait pas que des fusils sans portée. Il possédait un millier de fusils à tir rapide, environ quinze cents fusils à piston modèle 1842 et au moins deux mille cinq cents autres fusils à deux coups à piston et à pierre. Bretonnet était donc mal renseigné sur Rabah ou, pour parler mieux, il n’y croyait pas.