Page:Gentil, La chute de l’empire de Rabah, Hachette, 1902.djvu/19

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taine soirée passée chez M. Dorlhac avec le secrétaire particulier de M. de Brazza, un de mes compatriotes, M. Walter, et un jeune agent du Congo, Léon Blot. C’était quelques jours avant mon départ… Nous causions du Tchad et de la possibilité de l’atteindre. Très excité, Léon Blot se lève de sa chaise et dit : « Je sais bien qui ira au Tchad. C’est moi. » Je le regardai et lui répliquai : « Vous irez peut-être, mais moi aussi… » Et le lendemain matin je fus chez M. de Brazza pour lui demander de l’accompagner dans l’expédition qu’il projetait et dont quelques rares initiés parlaient à mots couverts. Il me reçut fort bien, mais ne m’encouragea pas. Je dois dire qu’il en agissait ainsi avec tout le monde et qu’il n’avait pas coutume de présenter la carrière d’explorateur sous un jour bien brillant.

Du reste, il n’avait pas besoin de faire de la propagande pour s’attirer les dévouements. Je connais peu d’hommes ayant exercé sur ceux qui les approchaient un semblable prestige… On sentait en lui une de ces personnalités devant laquelle tous s’inclinent. Comme tout le monde, je subis le charme et je me promis de me faire agréer par lui… Je rentrai donc en France où, grâce à la recommandation de mon commandant, le capitaine de frégate Rouvier, je fus mis en rapport avec le sous-secrétaire d’État des Colonies, M. Étienne. Ce dernier, avec son affabilité bien connue, voulut bien prendre en considération mes projets et me désigna pour servir au Congo français en qualité d’administrateur de 4e classe.

J’étais au comble de mes vœux. Arrivé à Libreville, je ne tardai pas à être mis à la disposition de M. de Brazza, qui était déjà parti dans la Sanga. Il n’entre pas dans mes intentions de m’étendre longtemps sur cette partie de mon séjour au Congo. Qu’il me suffise de dire que, jeune et inexpérimenté, j’eus le très grand bonheur d’être à une école remarquable. Ayant tout à apprendre des choses d’Afrique, je ne pouvais trouver meilleur maître. Le temps que je passai sous les ordres de M. de Brazza (quoique ou peut-être parce que nous eûmes tous à souffrir de grandes privations et de rudes fatigues), compte comme le meil-