Page:Geoffroy - Napoléon et la conquête du monde, 1836.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Un murmure s’échappa de leurs rangs, comme le témoignage d’une stupéfaction douloureuse.

Napoléon frémit profondément à ce mouvement inaccoutumé. Mais que ne dut-il pas ressentir quand le roi de Bohême (l’ancien roi de Prusse), se levant, parla en ces termes :

« Votre majesté a navré nos cœurs par une proposition que sa profonde sagesse n’a sans doute pas pesée. Elle sait les rapports qui existent entre nous et nos peuples, entre nos peuples et leurs rois ; elle sait de quelle vénération doit être environné notre sceptre, et combien ce sanctuaire où Dieu et votre majesté nous ont placés doit être sacré pour les nations. Et voilà que notre caractère sera flétri ; le mépris s’élèvera jusqu’à nous, la mesure de notre humiliation sera comblée, et il ne nous restera plus qu’à mourir ! Votre majesté oublie sans doute en ce moment ce que sont des rois sur la terre. »

Ces dernières paroles, dites avec énergie, furent suivies de l’approbation du conseil. Tous se levèrent à la fois, en répétant que tels étaient leurs sentiments.

Napoléon, étincelant de fureur, se leva aussi, et, rejetant avec force son fauteuil contre le mur de la salle, il frappa d’une telle violence sur la table du conseil, qu’elle en fut brisée.